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permet pas d’en sortir continuellement, elle y demeure en reserve jusqu’à ce qu’au bout d’un certain tems la vesicule étant pleine & distendue, & d’ailleurs comprimée par les visceres voisins, lâche sa bile, qui s’insinuant dans le sang par les vaisseaux lactés, peut y causer cette effervescence qui fait ouvrir les arteres de la matrice. Voyez Fiel.

Pour confirmer cette doctrine Drake ajoûte, que les femmes d’un tempérament bilieux ont leurs menstrues plus abondantes ou plus fréquentes que les autres, & que les maladies manifestement bilieuses sont accompagnées de symptomes qui ressemblent à ceux des femmes dont les menstrues viennent difficilement. Si on objecte que sur ce pié-là les hommes devroient avoir des menstrues comme les femmes, il répond que les hommes n’abondent pas en bile autant que les femmes, par la raison que les pores, dans les premiers étant plus ouverts, & donnant issue à une plus grande quantité de la partie séreuse du sang, laquelle est le vehicule de toutes les autres humeurs, il s’évacue par conséquent une plus grande quantité de chacune de ces humeurs dans les hommes que dans les femmes, dont les humeurs superflues doivent continuer de circuler avec le sang, ou se ramasser dans des reservoirs particuliers, comme il arrive en effet à la bile. Il rend de même raison pourquoi les animaux n’ont point de menstrues ; c’est que ceux-ci ont les pores manifestement plus ouverts que les femmes, comme il paroît par la qualité de poil qui leur vient, & qui a besoin pour pousser d’une plus grande cavité & d’une plus grande ouverture des glandes que lorsqu’il n’en vient point. Il y a néanmoins quelque différence entre les mâles & les femelles des animaux, c’est que celles-ci ont aussi leurs menstrues, quoique pas si souvent ni sous la même forme, ni en même quantité que les femmes.

L’auteur ajoûte que les divers phénomenes des menstrues, soit en santé, soit en maladie, s’expliquent naturellement & facilement par cette hypothese, & aussi bien que par celle de la plethore, ou d’un ferment particulier.

La racine d’hellébore noir & le mars, sont les principaux remedes pour faire venir les regles. Le premier est presque infaillible, & même dans plusieurs cas où le mars n’est pas seulement inutile, mais encore nuisible, comme dans les femmes plethoriques auxquelles le mars cause quelquefois des mouvemens hystériques, des convulsions, & une espece de fureur utérine : au-lieu que l’hellébore atténue le sang & le dispose à s’évacuer sans l’agiter. Ainsi quoique ces deux remedes provoquent les menstrues, ils le font néanmoins d’une maniere différente ; le mars les provoque en augmentant la vélocité du sang, & en lui donnant plus d’action contre les arteres de la matrice ; & l’hellébore en le divisant & le rendant plus fluide. Voyez Hellébore & Chalibé.

Menstrue & action menstruelle, ou dissolvant & dissolution, (Chimie.) le mot menstrue a été emprunté par les Chimistes du langage alchimique. Il est du nombre de ceux auxquels les philosophes hermétiques ont attaché un sens absolument arbitraire, ou du moins qu’on ne peut rapprocher des significations connues de ce mot que par des allusions bisarres & forcées.

On entend communément par dissolution chimique la liquéfaction, ou ce qu’on appelle dans le langage ordinaire la fonte de certains corps concrets par l’application de quelques liqueurs particulieres ; tel est le phénomene que présente le sel, le sucre, la gomme, &c. dissous ou fondus dans l’eau.

Cette idée de la dissolution est inexacte & fausse à la rigueur, comme nous l’avons déja remarqué à

l’article Chimie, voyez cet article p. 317. col. 2. parce qu’elle est incomplette & trop particuliere. Nous l’avons crue cependant propre à représenter ce grand phénomene chimique de la maniere la plus sensible, parce que dans les cas auxquels elle convient, les agens chimiques de la dissolution operent avec toute leur énergie, & que leurs effets sont aussi manifestes qu’il est possible. Mais, pour rectifier cette notion sur les vérités & les observations que fournit la saine Chimie, il faut se rappeller ;

1°. Que les corps que nous avons appellés aggrégés, voyez article Chimie, p. 410. col. 2, sont des amas des particules continues, arrêtées dans leur position respective, leur assemblage, leur système par un lien ou une force quelconque, que j’ai appellé rapport de masse, & que les Chimistes appellent aussi union aggrégative ou d’aggrégation.

2°. Que cet état d’aggrégation subsiste sous la consistance liquide & même sous la vaporeuse, & qu’un même corps en passant de l’état concret à l’état liquide, & même à celui de vapeur n’est altéré, tout étant d’ailleurs égal, que dans le degré de vicinité de ses parties intégrantes, & dans le plus ou le moins de laxité de son lien aggrégatif.

3°. Il faut savoir que dans toute dissolution les parties intégrantes du corps dissous s’unissent chimiquement aux particules du menstrue, & constituent ensemble de nouveaux composés stables, constans, que l’art sait manifester de diverses manieres, & qu’il est un terme appellé point de saturation, voyez Saturation, au-delà duquel il n’y a plus de mixtion, voyez Mixtion, ni par conséquent de dissolution, circonstance qui constitue l’essence de la dissolution parfaite : c’est ainsi que de la dissolution ou de l’union en proportion convenable de l’alkali fixe & de l’acide nitreux résulte le sel neutre, appellé nitre. Il faut se rappeller encore à ce propos que les divers principes qui constituent les composés chimiques, sont retenus dans leur union par un lien ou une force, que les Chimistes appellent union mixtive ou de mixtion, & qui, quoique dépendant très-vraissemblablement du même principe que l’union aggrégative, s’exerce pourtant très-diversement, comme il est prouvé dans toute la partie dogmatique de l’article Chimie, voyez cet article.

4°. De quelque maniere qu’on retourne l’application mutuelle, le mélange, l’intromission de deux corps naturellement immiscibles, jamais la dissolution n’aura lieu entre de tels corps : c’est ainsi que de l’huile d’olive qu’on versera sur du sel marin qu’on fera bouillir sur ce sel, qu’on battra avec ce sel, dans laquelle on broyera ce sel, dans laquelle on introduira ce sel aussi divisé qu’il est possible précédemment dissous sous forme liquide, c’est ainsi, dis-je, que l’huile d’olive ne dissoudra jamais le sel marin.

5°. On doit remarquer que la dissolution, c’est-à-dire l’union intime de deux corps a lieu de la même maniere & produit un nouvel être exactement le même, soit lorsque le corps appellé a dissoudre est concret, soit lorsqu’il est en liqueur, soit lorsqu’il est dans l’état de vapeur ; ainsi de l’eau ou un certain acide seront convertis chacun dans un corps exactement le même, lorsqu’ils seront imprégnés de la même quantité de sel alkali volatil, soit qu’on l’introduise dans le menstrue sous la forme d’un corps solide, ou bien sous celle d’une liqueur, ou enfin sous celle d’une vapeur. Il faut savoir cependant que l’union de deux liqueurs miscibles, dont l’une est l’eau pure, a un caractere distinctif bien essentiel, savoir que cette union a lieu dans toutes les proportions possibles des quantités respectives des deux liqueurs, ou, ce qui est la même chose, que cette union n’est bornée par aucun terme, aucun