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Grecs & les Romains on le représentoit avec le visage & le corps d’homme, ayant seulement les cornes, les oreilles, & les jambes ressemblantes à celles d’un bouc.

C’étoit, dit Strabon, à Mendès ville d’Egypte, que le dieu Pan étoit particulierement honoré. On juge bien que les Mendésiens n’avoient garde d’immoler en sacrifice ni bouc, ni chevre, eux qui croyoient que leur dieu Mendès se cachoit souvent sous la figure de ces animaux. (D. J.)

Mendès, (Géogr. anc.) ville ancienne de l’Egypte. Ptolomée, l. IV. c. v. parle d’une des embouchures du Nil nommée mendésienne, oslium mendesianum. Il parle aussi d’un nome appellé mendésien, & dont il fait thimus la métropole. (D. J.)

MENDIANT, s. m. (Econom. politiq.) gueux ou vagabond de profession, qui demande l’aumône par oisiveté & par fainéantise, au lieu de gagner sa vie par le travail.

Les législateurs des nations ont toujours eu soin de publier des lois pour prévenir l’indigence, & pour exercer les devoirs de l’humanité envers ceux qui se trouveroient malheureusement affligés par des embrasemens, par des inondations, par la stérilité, ou par les ravages de la guerre ; mais convaincus que l’oisiveté conduit à la misere plus fréquemment & plus inévitablement que toute autre chose, ils l’assujettirent à des peines rigoureuses. Les Egyptiens, dit Hérodote, ne souffroient ni mendians ni fainéans sous aucun prétexte. Amasis avoit établi des juges de police dans chaque canton, par-devant lesquels tous les habitans du pays étoient obligés de comparoître de tems en tems, pour leur rendre compte de leur profession, de l’état de leur famille, & de la maniere dont ils l’entretenoient ; & ceux qui se trouvoient convaincus de fainéantise, étoient condamnés comme des sujets nuisibles à l’état. Afin d’ôter tout prétexte d’oisiveté, les intendans des provinces étoient chargés d’entretenir, chacun dans leur district, des ouvrages publics, où ceux qui n’avoient point d’occupation, étoient obligés de travailler. Vous êtes des gens de loisir, disoient leurs commissaires aux Israélites, en les contraignant de fournir chaque jour un certain nombre de briques ; & les fameuses pyramides sont en partie le fruit des travaux de ces ouvriers qui seroient demeurés sans cela dans l’inaction & dans la misere.

Le même esprit regnoit chez les Grecs. Lycurgue ne souffroit point de sujets inutiles ; il régla les obligations de chaque particulier conformément à ses forces & à son industrie. Il n’y aura point dans notre état de mendiant ni de vagabond, dit Platon ; & si quelqu’un prend ce métier, les gouverneurs des provinces le feront sortir du pays. Les anciens Romains attachés au bien public, établirent pour une premiere fonction de leurs censeurs, de veiller sur les mendians & les vagabonds, & de faire rendre compte aux citoyens de leur tems. Cavebant ne quis otiosus in urbe oberraret. Ceux qu’ils trouvoient en faute, étoient condamnés aux mines ou autres ouvrages publics. Ils se persuaderent que c’étoit mal placer sa libéralité, que de l’exercer envers des mendians capables de gagner leur vie. C’est Plaute lui-même qui débite cette sentence sur le théatre. De mendico malè meretur qui dat ei quod edat aut bibat ; nam & illud quod dat perdit, & producit illi vitam ad miseriam. En effet, il ne faut pas que dans une société policée, des hommes pauvres, sans industrie, sans travail, se trouvent vêtus & nourris ; les autres s’imagineroient bientôt qu’il est heureux de ne rien faire, & resteroient dans l’oisiveté.

Ce n’est donc pas par dureté de cœur que les anciens punissoient ce vice, c’étoit par un principe

d’équité naturelle ; ils portoient la plus grande humanité envers leurs véritables pauvres qui tomboient dans l’indigence ou par la vieillesse, ou par des infirmités, ou par des évenemens malheureux. Chaque famille veilloit avec attention sur ceux de leurs parens ou de leurs alliés qui étoient dans le besoin, & ils ne négligeoient rien pour les empêcher de s’abandonner à la mendicité qui leur paroissoit pire que la mort : malim mori quàm mendicare, dit l’un d’eux. Chez les Athéniens, les pauvres invalides recevoient tous les jours du trésor public deux oboles pour leur entretien. Dans la plûpart des sacrifices il y avoit une portion de la victime qui leur étoit réservée ; & dans ceux qui s’offroient tous les mois à la déesse Hécate par les personnes riches, on y joignoit un certain nombre de pains & de provisions ; mais ces sortes de charités ne regardoient que les pauvres invalides, & nullement ceux qui pouvoient gagner leur vie. Quand Ulysse, dans l’équipage de mendiant, se présente à Eurimaque, ce prince le voyant fort & robuste, lui offre du travail, & de le payer ; sinon, dit-il, je t’abandonne à ta mauvaise fortune. Ce principe étoit si bien gravé dans l’esprit des Romains, que leurs lois portoient qu’il valoit mieux laisser périr de faim les vagabonds, que de les entretenir dans leur fainéantise. Potius expedit, dit la loi, inertes fame perire, quàm in ignaviâ fovere.

Constantin fit un grand tort à l’état, en publiant des édits pour l’entretien de tous les chrétiens qui avoient été condamnés à l’esclavage, aux mines, ou dans les prisons, & en leur faisant bâtir des hôpitaux spatieux, où tout le monde fût reçu. Plusieurs d’entre eux aimerent mieux courir le pays sous différens prétextes, & offrant aux yeux les stigmates de leurs chaînes, ils trouverent le moyen de se faire une profession lucrative de la mendicité, qui auparavant étoit punie par les lois. Enfin les fainéans & les libertins embrasserent cette profession avec tant de licence, que les empereurs des siecles suivans furent contraints d’autoriser par leurs lois les particuliers à arrêter tous les mendians valides, pour se les approprier en qualité d’esclaves ou de serfs perpétuels. Charlemagne interdit aussi la mendicité vagabonde, avec défense de nourrir aucun mendiant valide qui refuseroit de travailler.

Des édits semblables contre les mendians & les vagabonds, ont été cent fois renouvellés en France, & aussi inutilement qu’ils le seront toujours, tant qu’on n’y remédiera pas d’une autre maniere, & tant que des maisons de travail ne seront pas établies dans chaque province, pour arrêter efficacement les progrès du mal. Tel est l’effet de l’habitude d’une grande misere, que l’état de mendiant & de vagabond attache les hommes qui ont eu la lâcheté de l’embrasser ; c’est par cette raison que ce métier, école du vol, se multiplie & se perpétue de pere en fils. Le châtiment devient d’autant plus nécessaire à leur égard, que leur exemple est contagieux. La loi les punit par cela seul qu’ils sont vagabonds & sans aveu ; pourquoi attendre qu’ils soient encore voleurs, & se mettre dans la nécessité de les faire périr par les supplices ? Pourquoi n’en pas faire de bonne heure des travailleurs utiles au public ? Faut-il attendre que les hommes soient criminels, pour connoître de leurs actions ? Combien de forfaits épargnés à la société, si les premiers déréglemens eussent été réprimés par la crainte d’être renfermés pour travailler, comme cela se pratique dans les pays voisins !

Je sai que la peine des galeres est établie dans ce royaume contre les mendians & les vagabonds ; mais cette loi n’est point exécutée, & n’a point