Page:Diderot - Encyclopedie 1ere edition tome 10.djvu/240

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’empreinte de tout ce qui est marqué dans le champ des médailles.

Têts. Côté de la médaille opposé aux revers. Chez les Romains, Jules César est le premier dont on ait osé mettre la tête sur la monnoie, de son vivant.

Volume. On entend par ce mot l’épaisseur, l’étendue, le relief d’une médaille, & la grosseur de la tête.

Le lecteur trouvera les articles de médailles qui suivent, rangés avec quelque ordre.

Toute médaille est antique ou moderne ; nous commencerons par ces deux mots.

Ensuite nous viendrons aux métaux, parce qu’il y a des médailles d’or, d’argent, de billon, de bronze, de cuivre, d’étain, de fer, de plomb, de potin.

Une médaille peut être contrefaite, dentelée, éclatée, fausse, fourrée, frappée sur l’antique, non frappée, fruste, inanimés, incertaine, incuse, martelés, moulés, réparés, saucée, sans tête.

Parmi les médailles, il y en a de contorniattes, de contre marquées, de rares, de restituées, d’uniques & de votives.

Il y a encore des médailles sur les allocutions, & d’autres qu’on nomme de consécration ; nous en ferons aussi les articles.

Les médailles de colonies, les consulaires, les grecques, les impériales, les romaines, méritent surtout notre curiosité.

Cependant nous n’oublierons pas de parler des médailles arabes, égyptiennes, espagnoles, étrusques, gothiques, hébraïques, phéniciennes & samaritaines.

Enfin, les médailles d’Athenes, de Crotone, de Lacédémone & d’Olba, intéressent trop les curieux pour les passer sous silence.

Nous terminerons ce sujet par dire un mot des époques marquées sur les médailles.

Il est inutile d’avertir que les autres articles de l’art numismatique sont traités sous leurs lettres. (D. J.)

Médaille antiques. (Art numismat.) J’ai déja dit que ce sont toutes celles qui ont été frappées jusques vers le milieu du troisieme ou du neuvieme siecle de Jesus-Christ.

Depuis les progrès de la renaissance des Lettres, on a rassemblé les médailles antiques ; on les a gravées, déchiffrées & distribuées par suites ; on en a fait une science à part très-étendue. Il ne s’agit peut-être plus aujourd’hui que d’éclairer le zele de ceux qui l’étudient avec passion, & leur prouver qu’ils ne doivent pas donner une confiance aveugle à toutes les médailles qui sont antiques, de bon alloi, & frappées dans les monnoies publiques. Justifions ici cette vérité par les judicieuses observations de M. l’abbé Geinoz, rapportées dans l’histoire de l’acad. des Inscriptions, tom. XII.

Il n’y a, dit-il, que trop de médailles antiques singulieres, & qui renferment des contradictions palpables avec la tradition historique la plus constante, & même avec les autres médailles.

La cause de ces singularités vient sans doute d’une confusion de coins, semblable à celle qu’on a remarquée sur les médailles fourrées. Il est arrivé plus d’une fois aux Monétaires même, sur-tout lorsqu’il y avoit plus d’un prince pour lequel on travailloit dans le même hôtel des monnoies : il leur est, dis je, arrivé plus d’une fois de joindre ensemble deux coins, qui n’étoient pas faits pour la même piece de métal. Il n’étoit pas difficile que deux ouvriers travaillant l’un près de l’autre, celui qui vouloit appliquer un revers à la tête de Vespasien, prît par mégarde le coin dont son voisin devoit se servir, pour en frapper un à celle de Titus : il n’étoit pas même impossible qu’un ancien coin oublié dans la salle, fût

employé par inadvertance à former le revers de quelque médaille nouvelle par un ouvrier peu attentif. Cette confusion n’a rien qui répugne, & elle a été avouée par le Pere Pagi dont la bonne critique est assez connue, & par M. Liebe, un des célebres antiquaires de ces derniers tems. Les exemples en sont rares à la vérité, & les médailles qui nous les fournissent, sont ordinairement uniques : on va cependant en rapporter quelques-unes pour preuve de ce qu’on vient d’avancer.

Sur deux médailles d’argent d’Antonin Pic, on trouve au revers Augusta, avec des types qui montrent évidemment qu’on a joint à la tête de cet empereur des revers qui avoient été destinés aux médailles de Faustine sa femme. Deux autres médailles d’argent de Julia Domna ont à leurs revers, l’une Liberal. Augg. & l’autre Virtus Aug. Cos… On voit bien que ces légendes ne peuvent convenir à cette princesse : aussi les a-t-on prises pour des médailles de Severe, où on les trouvera facilement. Une autre médaille d’argent d’Herennia Etruscilla, a pour revers un type connu parmi ceux de Trajan Dece, avec la légende Pannoniæ. Au revers d’une médaille de Faustine la jeune en grand bronze, on lit Primi Decennales Cos. III. S. C. Quelqu’un prétendroit-il qu’on faisoit des vœux décennaux pour les femmes des empereurs ? non, car le silence de l’histoire & de tous les autres monumens nous prouve le contraire ; mais si on consulte les médailles de M. Aurele, on verra que ce revers a été frappé avec un coin destiné à cet empereur. Une autre médaille en grand bronze de Didius Julianus, a sur le revers June Regina, légende qui ne lui peut appartenir, mais qu’on a empruntée d’un coin de Manlia Scantilla,

M. Liebe a fait graver dans son trésor de Saxe-Gotha une médaille d’argent d’Hadrien, où on lit d’un côté Hadrianus Augustus, & de l’autre S. P. Q. R. M. O. PRINC. Qui est-ce qui ne voit pas que le coin d’un des revers de Trajan a été employé par mégarde avec un coin d’Hadrien ? le même antiquaire rapporte ensuite une médaille d’Antonin Pie, dans laquelle sa 15e. puissance tribunitienne se trouve également marquée autour de la tête & au revers. La cause de cette singularité est que le monétaire s’est servi de deux coins qui étoient bien de la même année, mais qui n’avoient pas été faits pour être unis ensemble.

Tous ces exemples paroissent prouver sans contestation, du-moins aux yeux des critiques impartiaux, que les Monétaires même ont fait des méprises ; & si le pere Chamillard eût connu les médailles qu’on vient de citer, il n’auroit point cherché des moyens plausibles de les concilier avec l’histoire, ou d’accorder ensemble les légendes des têtes & celles des revers. Tandis que le pere Hardouin rejette avec hauteur l’idée de ces méprises de Monétaires, il nous en fournit lui même plusieurs traits dans son histoire auguste. On y voit une médaille de grand bronze, qui joint le sixieme consulat de Vespasien avec le second de Titus ; quelques-unes de Domitien avec la tête de Vespasien au revers ; une de Trajan avec son cinquieme consulat, & au revers les têtes d’Hadrien &. de Plotine, avec la légende Hadrianus Aug. Les critiques sages aimeront toûjours mieux adopter dans ces médailles des erreurs de Monétaires, erreurs qui n’ont rien que de naturel & d’ordinaire, que d’en faire la base de quelque système entierement opposé à l’histoire de toute l’antiquité.

Ne reconnoissons donc point pour des pieces authentiques ces médailles singulieres, qui ne peuvent s’accorder ni avec les autres médailles reçues, ni avec l’histoire ; & examinons si ce qui cause notre embarras, lorsque nous cherchons à en déméler le