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& en Egypte, elles sont même très-précieuses ; mais un Othon d’or ne vaut que quelques pistoles au-dessus de son poids, qui est environ de deux gros ; & le même Othon d’argent ne vaut qu’un écu au-delà de ce qu’il pese, excepté qu’il n’eût quelque revers extraordinaire qui en augmentât le prix. Si même l’on pouvoit recouvrer quelques-unes des monnoies de cuir qui étoient en usage à Rome avant le regne de Numa, & que l’histoire nomme asses scortei, on n’épargneroit rien pour les mettre à la tête d’un cabinet.

Il est utile de connoître les métaux antiques, afin de n’y être pas trompé, & de savoir ce qui forme les différentes suites où les métaux ne doivent jamais être mêlés, si ce n’est lorsque pour rendre la suite d’argent plus ample & plus complette, on y place certaines têtes d’or qui ne se trouvent plus en argent ; car cela s’appelle enrichir une suite. Ajoutons cependant que dans la suite des rois & des villes, il est assez d’usage de mêler ensemble les trois métaux, & même les différentes grandeurs : c’est aussi ce qui se pratique ordinairement dans la suite des médailles consulaires ; mais cela vient de ce qu’il y a des têtes de rois & des familles romaines qui ne se trouvent que dans l’un des trois métaux & sur ces pieces de différent volume, outre l’extrème difficulté qu’il y auroit de rassembler un assez grand nombre de ces têtes de même métal & de même volume, pour en composer une suite.

On voit déja par ce détail que la matiere des médailles antiques se réduit à trois principaux métaux, l’or, l’argent & le cuivre, qu’on nomme bronze par honneur. Les médailles d’or, à ne parler que des seules impériales, peuvent être d’environ trois mille : les médailles d’argent vont bien à six mille ; mais les médailles de bronze, en y comprenant les trois différentes grandeurs, pourroient aller à plus de trente mille, puisque le petit bronze seul s’étend peut-être jusqu’à vingt mille. Le célebre Morel, que la mort surprit lorsqu’il travailloit à exécuter le grand & utile dessein de graver toutes les médailles connues, se proposoit d’en représenter vingt cinq mille, quoiqu’il terminât la suite des impériales à l’empereur Héraclius. Si donc au nombre des médailles impériales en or, en argent, & dans les trois grandeurs de bronze, on y ajoutoit les médaillons en tous métaux, les quinaires, les potins, les plombs antiques, les consulaires, les médailles des rois & des villes grecques, il est vraissemblable que le nombre des médailles antiques connues passeroit cinquante mille.

On ne peut guère réfléchir sur la découverte de tant de médailles, sans venir à se persuader qu’elles étoient originairement des monnoies répandues dans le commerce, c’est-à-dire des especes courantes ou dans tout l’empire, ou du-moins dans les pays où elles ont été battues.

1°. L’usage des métaux monnoyés a de tous tems été dans l’Empire, comme il est encore aujourd’hui parmi nous : cet usage est absolument nécessaire dans le commerce, depuis qu’on ne trafique plus par le seul échange des marchandises ; il faut donc croire qu’il n’a point été interrompu dans le siecle de Constantin, non plus que dans les précédens. On ne peut douter que durant tant de siecles on n’ait frappé une bien plus grande quantité de pieces de monnoies que de jettons, qui n’avoient aucun cours dans le commerce. Par quel miracle seroit-il arrivé que ces jettons seuls se fussent conservés, qu’on en trouvât une infinité par-tout, & qu’au contraire il ne nous fût resté aucune monnoie ? Quand on me dit qu’il nous est resté beaucoup moins de médaillons que de médailles, je répons aussi-tôt que les médaillons n’étoient d’aucun usage dans le commerce, & qu’il s’en frappoit beaucoup moms que de monnoies ; mais

quand on me demande pourquoi on trouve une infinité de médailles, & qu’il ne nous reste plus aucune monnoie antique, je serois forcé, si je convenois du fait, d’avouer que c’est un prodige.

2°. Il est constant que la plûpart des médailles, soit d’argent, soit de bronze, que nous avons du tems de la république (car pour parler médaille, tout le monde sait qu’on donne le nom de bronze au cuivre), il est constant, dis-je, que c’étoient les monnoies courantes. La plûpart en portent la marque indubitable, qui est la valeur de chacune ; sur celles d’argent le Xa. le Q. le II-S, font voir qu’elles valoient tant d’as ; & sur celles de bronze, le nombre de 0. 00. 000. 0000. dit qu’elles valoient une once, deux onces, trois onces, quatre onces, &c. Pourquoi donc du tems des empereurs n’auroit-on pas continué la même chose, quoique ces marques ne s’y trouvent-elles pas ? c’est que l’usage commun faisoit assez savoir, comme à-présent, la valeur de chaque piece.

Ainsi nous ne nous étendrons point à répéter les preuves que Patin a données après Savot & les autres antiquaires, que toutes les médailles que nous avons sont les vraies monnoies dont on se servoit dans ces tems-là : il suffit de rappeller ceux qui seroient d’un sentiment contraire à ce miracle, qui sera toujours inconcevable, puisqu’il n’y auroit que les medailles qui auroient eu le bonheur de se conserver jusqu’à nos tems, pendant que toutes les monnoies absolument se seroient perdues, sans que dans ces trésors qu’on tire encore tous les jours des entrailles de la terre, on en pût rencontrer une seule.

3°. Quand les médailles déclarent elles-mêmes qu’elles sont des monnoies, il me semble qu’on doit les en croire sur leur propre témoignage. Or nous avons dans le siecle de Constantin plusieurs médailles qui portent pour légende, Sacra Moneta Augg. & Coess. NN. Pourquoi ne vouloir pas lire dans les lettres initiales de l’exergue, ce qui se lit dans la légende tout au long, en expliquant S. M. par Sacra Moneta, plûtôt que par Societas Mercatorum ?

Nous avons aussi des médailles qui portent Moneta Urbis. Cela veut-il dire des jettons ? Ce qui s’appelle monnoie du prince ou monnoie de la ville, n’est point sans doute un présent fait par des marchands gaulois. Nous avons enfin Moneta Augusti, & Moneta Augg. Dans Hadrien, dans Antonin, dans Septime Severe & sous presque tous ses successeurs ; dans Trajan Dece, Trébonien, Galle, Volusien, Valérien, Gallien, Salonien, Posthume, Tétricus, Claude le gothique, Tacite, Florien, Carus, Carin, Numérien, &c. nous avons Moneta Augusti sur les médailles de quelques princesses, comme de Julia Pia, &c. Sous d’autres empereurs où on ne trouve pas Moneta, on trouve Æquitas Aug. avec le même type d’une femme assise ou debout qui tient une balance.

Cependant je ne voudrois pas décider que toutes les médailles absolument sans exception, fussent originairement des monnoies ; je crois cela presque toujours vrai, mais il peut se faire qu’en certaines occasions on ait frappé des médailles au poids & au titre de la monnoie courante, sans avoir dessein de les faire passer dans le commerce, & uniquement dans la vûe de conserver la mémoire de quelque évenement remarquable, ou par d’autres raisons particulieres ; mais s’il se trouve de ces médailles, elles sont en si petit nombré, que l’opinion d’Erizzo & du P. Hardouin n’en est pas moins insoutenable.

Des différentes grandeurs qui forment les suites en bronze. La grandeur de toutes les médailles antiques n’est ordinairement que depuis trois pouces de diametre jusqu’à un quart de pouce, soit en or, soit en argent, soit en cuivre, qui sont les principaux métaux sur lesquels travailloient les monétaires.

On appelle médaillons les médailles qui sont d’une