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regles ; si on ôte un nombre d’un autre, cet autre nombre joint avec le reste, doit rendre le premier nombre ; si on divise une grandeur par une autre, le quotient multiplié par le diviseur doit rendre le dividende ; si on multiplie la somme de plusieurs nombres par la somme de plusieurs autres, le produit est égal à la somme des produits de chaque partie par toutes les autres, &c.

De-là il s’ensuit d’abord qu’en désignant les nombres par des expressions générales, c’est-à-dire, qui ne désignent pas plus un nombre qu’un autre, on pourra former certaines regles relatives aux opérations qu’on peut faire sur les nombres ainsi désignés. Ces regles se réduisent à représenter de la maniere la plus simple qu’il est possible, le résultat d’une ou de plusieurs opérations qu’on peut faire sur les nombres exprimés d’une maniere générale ; & ce résultat ainsi exprimé, ne sera proprement qu’une opération arithmétique indiquée, opération qui variera selon qu’on donnera différentes valeurs arithmétiques aux quantités, qui dans le résultat dont il s’agit, représentent des nombres.

Pour mieux faire entendre cette notion que nous donnons de l’Algebre, parcourons-en les quatre regles ordinaires, & commençons par l’addition. Elle consiste, comme nous l’avons vû dans l’article Addition, à ajoûter ensemble avec leurs signes, sans aucune autre opération, les quantités dissemblables, & à ajoûter les coefficiens des quantités semblables : par exemple, si j’ai à ajoûter ensemble les deux grandeurs dissemblables a, b, j’écrirai simplement a + b ; ce résultat n’est autre chose qu’une maniere d’indiquer que si on désigne a par quelque nombre, & b par un autre, il faudra ajoûter ensemble ces deux nombres ; ainsi a + b n’est que l’indication d’une addition arithmétique, dont le résultat sera différent selon les valeurs numériques qu’on assignera à a & à b. Je suppose présentement qu’on me propose d’ajoûter 5 a avec 3 a, je pourrois écrire 5a + 3a, & l’opération arithmétique seroit indiquée comme ci-dessus : mais en examinant 5 a & 3 a, je vois que cette opération peut être indiquée d’une maniere plus simple : car quelque nombre que a représente, il est évident que ce nombre pris 5 fois, plus ce même nombre pris 3 fois, est égal au même nombre pris 8 fois : ainsi, je vois qu’au lieu de 5 a + 3 a, je puis écrire 8 a, qui est l’expression abregée, & qui m’indique une opération arithmétique plus simple que ne me l’indique l’expression 5 a + 3a.

C’est là-dessus qu’est fondée la regle générale de l’addition algébrique, d’ajoûter les grandeurs semblables en ajoûtant leurs coëfficiens numériques, & écrivant ensuite la partie littérale une fois.

On voit donc que l’addition algébrique se réduit à exprimer de la maniere la plus simple la somme ou le résultat de plusieurs nombres exprimés généralement, & à ne laisser, pour ainsi dire, à l’Arithméticien que le moins de travail à faire qu’il est possible. Il en est de même de la soustraction algébrique ; si je veux retrancher b de a, j’écris simplement a-b, parce que je ne peux pas représenter cela d’une maniere plus simple : mais si j’ai à retrancher 3 a de 5a, je n’écrirai point 5a-3a, parce que cela me donneroit plusieurs opérations arithmétiques à faire, en cas que je voulusse donner à a une valeur numérique ; j’écrirai simplement 2 a, expression plus simple & plus commode pour le calcul arithmétique. Voyez Soustraction.

J’en dis autant de la multiplication & de la division : si je veux multiplier a + b par c + d, je puis écrire indifféremment (a + b) X (c + d), ou ac + bc + ad + bd, & souvent même je préfererai la premiere expression à la seconde, parce qu’elle semble demander moins d’opérations arithmétiques ; car il

ne faut que deux additions & une multiplication pour la premiere, & pour la seconde il faut trois additions & quatre multiplications : mais si j’ai à multiplier 5a par 3a, j’écrirai 15 aa au lieu de 5a X 3a, parce que dans le premier cas, j’aurois trois opérations arithmétiques à faire, & que dans le second je n’en ai que deux, une pour trouver aa, & l’autre pour multiplier aa par 15. De même si j’ai a + b à multiplier par a-b, j’écrirai aa-bb, parce que ce résultat sera souvent plus commode que l’autre pour les calculs arithmétiques, & que d’ailleurs j’en tire un théorème, savoir que le produit de la somme de deux nombres par la différence de ces deux nombres, est égal à la différence des quarrés de ces deux nombres. C’est ainsi qu’on a trouvé que le produit de a + b par a + b, c’est-à-dire le quarré de a + b, étoit aa + 2ab + bb, & qu’il contenoit par conséquent le quarré des deux parties, plus deux fois le produit de l’une par l’autre ; ce qui sert à extraire la racine quarrée des nombres. Voyez Quarré & .

Dans la division, au lieu d’écrire , j’écrirai simplement 4a ; au lieu d’écrire , j’écrirai a-x. Mais si j’ai à diviser bc par hd, j’écrirai , ne pouvant trouver une expression plus simple.

On voit donc par là que M. Newton a eu raison d’appeller l’Algebre Arithmétique universelle ; puisque les regles de cette Science ne consistent qu’à extraire pour ainsi dire ce qu’il y auroit de général & de commun dans toutes les Arithmétiques particulieres qui se feroient avec plus ou moins ou autant de chiffres que la nôtre, & à présenter sous la forme la plus simple & la plus abregée, ces opérations arithmétiques indiquées.

Mais, dira-t-on, à quoi bon tout cet échaffaudage ? Dans toutes les questions que l’on peut se proposer sur les nombres, chaque nombre est désigné & énoncé. Quelle utilité y a-t-il de donner à ce nombre une valeur littérale, dont il semble qu’on peut se passer ? Voici l’avantage de cette dénomination.

Toutes les questions qu’on peut proposer sur les nombres, ne sont pas aussi simples que celles d’ajoûter un nombre donné à un autre, ou de l’en soustraire, de les multiplier ou de les diviser l’un par l’autre. Il est des questions beaucoup plus compliquées, & pour la solution desquelles on est obligé de faire des combinaisons, dans lesquelles le nombre ou les nombres que l’on cherche doivent entrer. Il faut donc avoir un art de faire ces combinaisons sans connoître les nombres que l’on cherche ; & pour cela il faut exprimer ces nombres par des caracteres différens des caracteres numériques, parce qu’il y auroit un très grand inconvénient à exprimer un nombre inconnu par un caractere numérique qui ne pourroit lui convenir que par un très-grand hasard. Pour rendre cela plus sensible par un exemple, je suppose qu’on cherche deux nombres dont la somme soit 100, & la différence 60 : je vois d’abord qu’en désignant les deux nombres inconnus par des caracteres numériques à volonté, par exemple l’un par 25, & l’autre par 50, je leur donnerois une expression très-fausse, puisque 25 & 60 ne satisfont point aux conditions de la question. Il en seroit de même d’une infinité d’autres dénominations numériques. Pour éviter cet inconvénient, j’appelle le plus grand de mes nombres x, & le plus petit y ; & j’ai par cette dénomination algébrique, les deux conditions ainsi exprimées : x plus y est égal à 100, & x moins y est égal à 60 ; ou en caracteres algébriques :

x + y = 100.
x-y = 60. Voyez Caractere.

Puisque x + y est égal à 100, &x - y égal à 60, je