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ajoûte que l’ananas aculeatus, fructu pyramidato, carne aureâ, qui est la seconde espece, est préférable à la premiere, parce que son fruit est plus gros, & d’un meilleur goût, & que son suc est moins astringent. Cette espece pousse ordinairement de dessous son fruit six ou sept rejettons, ce qui la fait multiplier aisément, & peut la rendre, dit Miller, commune en peu d’années.

Les curieux cultivent la troisieme espece, ananas folio vix serrato, pour la variété seulement ; car le fruit n’en est pas si bon que celui des especes précédentes.

La cinquieme espece, ananas aculeatus, fructu pyramidato, virescente, carne aureâ, est maintenant fort rare en Europe ; elle passe pour la meilleure ; en Amérique les curieux la cultivent préférablement aux autres : on la peut faire venir des Barbades ou du Montferrat.

La sixieme qu’on appelle en Botanique, ananas, fructu ovato, ex luteo virescente, carne luteâ, est venue de la Jamaïque ; elle n’est pas encore commune en Angleterre, dit Miller ; ceux qui ont goûté de son fruit, assûrent qu’il a beaucoup de saveur. Mais comme elle est tardive, elle s’accommode plus difficilement de notre climat. Son fruit est un mois de plus à mûrir que le fruit des autres.

J’ai oüi parler, continue le même Botaniste, d’une autre espece d’ananas, dont la chair est jaune en dehors, & verte en dedans ; mais je ne l’ai jamais vûe.

L’ananas, fruit dont la saveur surpasse celle de tous les fruits qui nous sont connus, est produit par une plante, dont la feuille ressemble à celle de l’aloès, pour l’ordinaire dentelée comme elle, mais moins épaisse & moins pleine de suc.

Elle a été apportée des établissemens des Indes orientales dans ceux des Indes occidentales, où elle est devenue très-commune & d’un excellent acabit. Il n’y a pas long-tems qu’on la cultive en Europe, & qu’elle y donne du fruit. M. le Cour de Leyde est le premier qui l’ait cultivée avec succès ; après plusieurs tentatives inutiles, il a enfin trouvé un degré de chaleur propre à lui faire porter un fruit, plus petit à la vérité qu’aux Indes occidentales, mais aussi bon, au jugement de personnes qui ont vécu long-tems dans l’une & l’autre contrée.

Le tems de la maturité des bons ananas est depuis le commencement de Juillet jusqu’au mois de Septembre. Ce fruit est mûr, lorsqu’il répand une odeur forte, & qu’il cede sous le doigt : il ne conserve son odeur sur la plante, que trois ou quatre jours ; & quand on le veut manger parfait, il ne faut pas le garder plus de vingt-quatre heures après l’avoir cueilli. Dict. de Miller.

On tire par expression de l’ananas un suc dont on fait un vin excellent, qui fortifie, arrête les nausées, réveille les esprits, provoque les urines, mais dont les femmes enceintes doivent s’abstenir. On confit les ananas, & cette confiture est bonne pour les personnes d’un tempérament foible. Lémery.

* ANANDAL (Géog. mod.) Province de l’Ecosse méridionale, entre la contrée d’Eskédale au couchant, & celle de Nithesdale à l’orient.

ANANISAPTA, terme de Magie, espece de talisman ou de préservatif contre la peste & les autres maladies contagieuses, qui consiste à porter sur soi ce mot écrit ananisapta.

Delrio le regarde comme un talisman magique, & fondé sur un pact avec le démon, & le met au nombre de ceux qu’on portoit comme des préservatifs contre les fievres pestilentielles, & qui étoient conçûs en trois vers écrits d’une certaine maniere qu’il n’explique point, & dont il ne cite que celui-ci.

Ananischapta ferit, mortem quæ lædere quærit

Il en cherche l’origine dans le Chaldéen ou l’Hébreu חנני, choneni, miserere mei, & שופט, schophet, par lesquels on implore la miséricorde d’un Juge, mais non pas celle de Dieu. Ana, אנא, ajoûte-t-il, dans les mysteres de la cabale, signifie un esprit où sont les notions innées, & auquel préside l’ange que les cabalistes appellent ענים, anim, qui manifeste à l’homme la vérité ; d’où vient le mot תכע, henag, que d’autres prononcent ana, & qui signifie idole ; d’où vient ענני, anani, divination, & schaphat, שפּמ, qui signifie que cette idole ou ce mauvais ange, juge que la maladie naît de maléfice, & en indique le remede. Il dit encore que les cabalistes ont voulu mettre dans le mot ananisapta, autant de mots différens, qu’il y a de lettres, & qu’ainsi ce mot signifie A. antidotum, N. Nazareni, A. auferat, N. necem, I. intoxicationis, S. sanctificet, A. alimenta, P. pocula, T. Trinitas, A. alma. Qui signifient que la mort de Jesus-christ qui a été injuste de la part des Juifs, frappe de la part de Dieu la mort, c’est-à-dire, le démon, &c. & il traite cette explication de rêverie : la sienne est un peu plus savante ; c’est au lecteur à juger si elle est plus sensée. Delrio, disquisit. magicar. Lib. III. part. II. quæst. 4. sect. viij. pag. 463. & 464. (G)

* ANAPAUOMÉNÉ, s. f. (Hist. nat.) d’ἀναπαυομένη, qui cesse ; nom d’une fontaine de Dodone, dans la Molossie, Province d’Epire, en Grece. Pline dit que l’eau en est si froide, qu’elle éteint d’abord les flambeaux allumés, & qu’elle les allume néanmoins, si on les en approche quand ils sont éteints ; qu’elle tarit sur le midi ; on l’a appellée par cette raison anapauoméné : qu’elle croît depuis midi jusqu’à minuit, & qu’elle recommence ensuite à diminuer, sans qu’on puisse savoir quelle peut être la cause de ce changement. Il ne faut pas mettre au même degré de probabilité les premieres & les dernieres merveilles attribuées aux eaux de l’anapauoméné. Il y a sur la surface de la terre tant d’amas d’eaux sujets à des abaissemens & à des élévations périodiques, que l’esprit est disposé à admettre tout ce qu’on lui racontera d’analogue à ce phénomene ; mais la fontaine d’anapauoméné est peut-être la seule dont on ait jamais dit qu’elle éteignoit & allumoit les flambeaux qu’on en approchoit : on n’est ici secouru par aucun fait semblable.

* ANAPE, s. m. (Géog. & Myth.) aujourd’hui l’Alfeo, fleuve de Sicile, près de Syracuse ; les Poëtes l’ont fait amoureux de Cyané, & Protecteur de Proserpine, contre l’attentat de Pluton. Cyané fut changée en fontaine ; ses eaux se mêlerent à celles de l’Alphée, & elles coulerent ensemble dans la mer de Sicile. Ovide a décrit cette avanture dans ses Métamorphoses ; & il en fait aussi mention dans ses Fastes, à propos des jeux institués à Rome, & célébrés en Avril en l’honneur de Cerès.

ANAPESTE, s. m. (Littérat.) sorte de pié dans la Poësie Greque & Latine, qui consiste en deux breves & une longue. Voyez Pié.

Ce mot est dérivé d’ἀναπαίω, frapper à contre sens ; parce qu’en dansant lorsqu’on chantoit des vers de cette mesure, on frappoit la terre d’une maniere toute contraire à celle dont on battoit la mesure pour des poësies où dominoit le dactyle ; aussi les Grecs l’appelloient-ils anti-dactyle, ἀντιδάκτυλος. Diom. III. pag. 474. Voyez Dactyle.

En effet, l’anapeste est comme l’opposé du dactyle ; ces trois mots săpĭēns, lĕgĕrēnt, χυρίους, sont des anapestes.

Les vers anapestes ou anapestiques, c’est-à-dire, composés de ces sortes de piés, étoient fort en usage chez les Anciens, & surtout chez les Grecs dans les poësies légeres. Voyez Anacreontique. (G)

* ANAPHE, s. f. (Géog. & Myth.) île de la mer Egée qu’on dit s’être formée insensiblement comme