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ches qui vous manquaient. Il y a huit ou dix jours que ces deux rouleaux étaient à Bruxelles, et vous devez maintenant en être en possession.

J’ai relu ma correspondance avec Falconet, sur une mauvaise copie qu’il m’envoya de Pétersbourg, il y a dix ou douze ans. Cette copie est si défectueuse en plusieurs endroits qu’on ne les entend pas. Il y a ajouté je ne sais combien de choses pendant qu’il était en Russie. Je n’assurerais pas, mais je la soupçonne d’être incomplète en quelques autres. Nous sommes si pauvres, si mesquins, si guenilleux, si négligés, si ennuyeux et si diffus partout que cela fait pitié. Cela est plein d’endroits où nous nous tutoyons ; et ce ton, qui peut passer dans un ouvrage manuscrit, est du plus mauvais goût dans un ouvrage imprimé. De mon côté, tandis que Falconet faisait ses additions, je faisais les miennes ; quand on écrit au courant de la plume, tout ce qui peut être dit sur une question, ou ne vient pas, ou ne se dit pas comme il devrait être dit. Il y a parmi ses additions des choses auxquelles on peut faire une bonne réponse ; parmi les miennes, il y en a sans doute auxquelles il ne manquerait pas de répliquer. Cet ouvrage, vaille que vaille, n’appartient pas à Falconet ni à moi, mais à tous les deux, et ne peut honnêtement paraître que du consentement de l’un et de l’autre. Il y a déjà pourtant eu une infidélité de commise. Je ne sais à qui il a confié notre manuscrit, mais on en a fait une traduction anglaise. S’il avait pensé qu’en permettant a l’ouvrage de sortir de ses mains il disposait du bien d’autrui et s’exposait à cet inconvénient, je crois qu’il aurait été plus circonspect. On peut confier sa bourse à qui l’on veut, mais on ne remet à personne la bourse d’un autre. Ce n’est pas ainsi que j’en ai usé, bien que je n’eusse pas trop mauvaise opinion ni de ma cause ni de mon plaidoyer, et qu’on m’en eût souvent demandé communication. Enfin, mon prince, on ne trouve pas mauvais qu’un homme se promène chez lui en robe de chambre et en bonnet du nuit ; mais il faut être décemment dans les rues, en visite, dans une église, en public. Que Falconet publie ses lettres, si elles peuvent paraître sans copier les miennes, j’y consens. Pour celles-ci je m’y oppose formellement. J’ai promis à Mme Falconet de les relire, de les châtier sévèrement, d’y ajouter avec la dernière bonne foi ce que je peux alléguer en ma faveur, ce