Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/92

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qui lui demandaient, l’un 600,000 livres, l’autre 450,000, le dernier 400,000. Diderot, apprenant son embarras, lui présentait Falconet, dont les cinq figures exposées au Salon de cette année avaient été fort admirées (voir t. X, p. 426), et quelques jours après le traité se signait : « Ç’a été l’ouvrage d’un quart d’heure et l’écrit d’une demi-page. » Ce contrat, que M. Cournault a publié, mais que sa longueur nous empêche de reproduire dans cette notice, fait honneur à celui qui en a déterminé les clauses et à ceux qui les ont acceptées. Rien d’essentiel n’y avait été omis. Il était daté du 27 août 1766 ; le 8 septembre, Falconet quittait Paris, avec Mlle Collot, son élève, dont le talent précoce pouvait lui être et lui fut fort utile. Née à Paris, en 1748, Marie-Anne Collot, que Diderot et Grimm appellent Mlle Victoire, avait été abandonnée par son père, et son frère avait dû, pour vivre, entrer comme apprenti chez Le Breton. Élève de Falconet dès l’âge de seize ans, elle modela, sans le secours de son maître, divers bustes, entre autres celui de Préville en Sganarelle, celui de Diderot, celui du prince Galitzin « qui, dit Grimm, est parlant comme les autres. » L’excellente monographie de M. Cournault et le catalogue du Musée de la ville de Nancy, rédigé par ses soins, compléteront une liste d’œuvres que nous ne pouvons qu’indiquer. Mlle Collot serait depuis longtemps célèbre si la sculpture française avait parmi nous le rang qu’elle devrait tenir.

Falconet débarquait à peine, que Catherine écrivait à Mme Geoffrin, le 21 octobre 1766 : « … M. Diderot se sert du truchement Betzky pour répandre la sensibilité de son cœur à quelques centaines de lieues de son habitation ; il nous recommande ses amis, il m’a fait faire l’acquisition d’un homme qui, je crois, n’a pas son pareil : c’est Falconet. Il va incessamment commencer la statue de Pierre le Grand. S’il y a des artistes qui l’égalent en son état, on peut avancer, je pense, hardiment qu’il n’y en a point qui lui soit à comparer par ses sentiments ; en un mot, c’est l’ami de l’âme de Diderot[1]. »

Le philosophe l’appelle en effet ainsi dans une des lettres qu’il lui adressa de 1766 à 1773, et dont chacune prouve sa sollicitude envers les deux absents, en même temps que la fermeté avec laquelle il défendait ses autres amis ou ses opinions.

Le modèle de la statue de Pierre Ier était terminé[2], mais la fonte, retardée par mille circonstances, n’avait pas encore eu lieu quand

  1. Recueil de la Société historique russe (1807-1873), 12 v. gr. in-8. Tome Ier.
  2. Le charmant dessin aux crayons noir et blanc d’Antoine Lossenko (Musée de Nancy), qui la représente telle qu’elle devait être sur la place de l’Amirauté, est daté de 1770.