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Gaschon. Dieu ! combien nous avons parlé de la mère et des deux filles ! Vous auriez été trop aise d’être derrière la tapisserie et de nous entendre. Ô mon amie ! conservez toujours la franchise de votre caractère ; augmentez-la s’il se peut, afin que vous ayez la confiance, l’estime et la vénération de tous ceux qui vous entourent. Que si vous veniez jamais à disparaître d’au milieu d’eux, ils soient vains de vous avoir connue : qu’ils s’entretiennent longtemps de vous ; qu’ils s’en entretiennent toujours avec éloge et regret ; et qu’ils ajoutent : Eh bien ! le philosophe Diderot fut, de tous les hommes qui eurent le bonheur de la connaître, celui qu’elle aima le plus.

J’ai chargé M. Gaschon de faire ma paix avec Mlle Boileau, et il m’a promis d’y mettre tout son savoir. L’affaire avec M. Bouret est au même point. J’ai eu beaucoup de plaisir à l’entendre donner au diable tous ces gens à fausses protestations. Il ne fera pas le voyage d’Isle ; il m’a dit qu’il s’en était accusé auprès de madame votre mère. Voilà tout ce que j’ai fait depuis que je n’ai entendu parler de vous. D’où vient donc ce silence ? Votre sœur remplit-elle si exactement les moments que vous dérobez à votre mère que vous ne puissiez plus m’en donner un seul !

Je ne sais quand cette lettre vous parviendra ; cependant je vous écris toujours. Voici l’arrangement que j’ai pris avec Damilaville. Votre lettre reçue, il l’adressera à un de ses subalternes à Charenton. Ce subalterne remportera ma réponse qu’il mettra à la poste à Charenton pour Paris, à l’adresse de Damilaville, qui la contre-signera à l’adresse de M. Gillet. Voilà bien des allées et bien des venues. Si j’étais à Paris, je vous lirais à l’heure qu’il est, je vous répondrais ; demain ma réponse serait à la boîte, et dans trois jours d’ici vous l’auriez.

Adieu, ma tendre amie. Si vous ne recevez pas de mes nouvelles avec toute l’exactitude que vous désirez, gardez, gardez-vous bien de m’accuser de négligence. Et qu’ai-je de mieux à faire que de m’entretenir avec vous, et que de vous ouvrir mon cœur ? Adieu, adieu.