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écoutez tout contre : si vous ne voulez pas que je vous voie avec le vilain cul de mon rêve, montrez-nous celui que vous portez.

— Les musulmans sont divisés en une multitude incroyable de sectes. On en compte jusqu’à soixante-treize. Ils ont des jansénistes, des molinistes, des pyrrhoniens, des sceptiques, des déistes, des spinosistes, des athées. — Les voilà bien lotis !..... C’est comme parmi nous. La belle couvée ! — On les vit éclore du mélange de la religion avec la philosophie. — Cette philosophie gâte tout. — Lorsqu’ils quittèrent le glaive tranchant dont ils prouvaient la divinité de l’Alcoran, et qu’ils se mirent à raisonner. — C’est encore une mauvaise chose que la raison : aussi j’en use le moins que je peux..... Il y paraît quelquefois. — Aux autres il n’y paraît pas tant ; mais c’est tout un.

— Ils ont des espèces de manichéens et d’optimistes. Un des premiers disait un jour à son antagoniste : Un père eut trois enfants. — Mesdames, voici un conte ; il faut l’entendre. — L’un de ces enfants vécut dans la crainte de Dieu. — Et fit bien. Il n’y en a guère aujourd’hui de ceux-là. On ne sait plus ce que le monde devient ; les enfants sont aussi méchants que les vieilles gens. — Le second vécut dans le crime, et le troisième mourut tout jeune. Quel sera leur sort dans l’autre vie ? L’optimiste répondit que le premier serait récompensé dans le ciel, le second puni dans les enfers, et que le troisième n’aurait ni châtiment ni récompense. Mais, reprit le manichéen, si ce dernier disait à Dieu : Seigneur, il n’a dépendu que de toi que je vécusse plus longtemps, et que je fusse assis dans le ciel à côté de mon frère ; cela eût été mieux pour moi. Que lui répondrait le Seigneur ? Il lui répondrait : J’ai vu que si je t’accordais une plus longue vie, tu tomberais dans le crime, et qu’au jour de mes vengeances, tu mériterais le supplice du feu. Mais, ajouta le manichéen, n’entendez-vous pas le second qui réplique au Seigneur : Eh ! que ne m’ôtais-tu la vie dans mon enfance ? Pourquoi m’accorder les jours malheureux que tu as refusés à mon frère ? Si je ne me réjouissais pas dans le ciel avec mon frère aîné, du moins je sommeillerais en paix auprès de mon frère cadet ; cela eût été aussi bien pour moi que pour lui. Comment le Seigneur s’en tira-t-il ? — Ma foi, je n’en sais rien ; il y a de quoi le faire affoler. Mais nous saurons cela