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un modèle d’après lequel il fit une très-mauvaise figure, tandis qu’une autre, qu’il avait exécutée de pratique, était au moins supportable. On a dit : Naturam expellas furca, tamen usque recurrit. Pardieu, ce n’est pas en peinture.

Enfin, la voici, cette note.

M. de Villiers est le même qu’un M. Charlot dont je crois vous avoir déjà parlé ; si ce n’est pas à vous, ce sera au général. C’est un ami de presque tous vos amis. Il est né à Paris, sans aucune fortune. Il a fait d’excellentes études, et il a beaucoup de littérature. Il a été clerc de procureur, il s’est fait avocat. Il a suivi le barreau avec succès. Il plaidait depuis fort peu de temps, lorsqu’il survint une interruption au Palais qui dura dix-huit mois. Ce fut alors qu’il fit la connaissance d’un marchand qui demeurait rue Saint-Gervais et qui l’engagea à regarder sa maison comme la sienne. Il épousa la fille de ce marchand, moitié par reconnaissance, moitié par goût. Mais afin qu’il pût suivre son état, en même temps que sa femme suivait le commerce, on tint ce ménage secret. Mais malheureusement sa femme avait qualité, et ses dettes engagèrent son mari. Au mois d’avril 1765, il fut obligé de faire un arrangement avec les créanciers de sa femme, et de s’obliger à payer quarante mille francs dans un intervalle de temps assez court. Au mois d’août suivant, il se découvrit d’autres dettes qui n’avaient point été déclarées. Sur quoi M. de Villiers, ou Charlot, ne voyant aucun moyen de faire face avec le produit de son talent, menacé de perdre son état, par l’éclat de son mariage que la poursuite des créanciers ne pouvait manquer de manifester, prit, tant en effets qu’en argent, environ trois mille livres et passa en Angleterre d’où il s’est réfugié à Pétersbourg, n’ayant subsisté pendant tout ce temps que par les modiques secours qu’il a reçus de quelques-uns de ses amis de Paris. Tous ceux qui l’ont connu ici attestent de ses connaissances, de ses talents et de sa probité. Il paraît, à ce qu’ils disent unanimement, que c’est un homme à employer à beaucoup de choses. Prault, Pissot, Le Moyne et d’autres le recommandent à vos bons offices. Notez, s’il vous plaît, que je ne vous l’adresse pas, mais que je vous transmets seulement la note de M. Le Moyne. Il est vrai que c’est avec plaisir.

Et puis, mon ami, que Dieu vous inspire l’art de conserver