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génie, froid, plat, sans détails, sans pieds, sans mains, mauvais, absolument mauvais, et qu’il n’a, lui, nulle connaissance de l’art, ou nul goût, ou nulle bonne foi. J’écrivais, il y a quelques jours, à Cochin, à propos du silence qu’il gardait avec vous : « Eh bien, vous avez donc été hués, honnis, bafoués par vos élèves ? Ils pourraient avoir tort ; mais il y a cent à parier contre un qu’ils ont raison ; car ces enfants-là ont des yeux, et ce serait peut-être la première fois qu’ils se seraient trompés. »

Il y avait cette année au Salon quatre grands tableaux d’histoire ordonnés pour le roi de Pologne, par l’entremise de Mme Geoffrin : l’un, Silurus mourant au milieu de ses enfants, de Halle, détestable ; le second, la tête de Pompée présentée à César, de Lagrenée, mauvais ; le troisième, César au pied de la statue d’Alexandre, dans le temple d’Hercule, médiocre, surtout de composition. Il est de Vien, qui a aussi exécuté la continence de Scipion, au refus de Boucher. Oh ! quel tableau que ce dernier ! Il est si misérable que j’ai entendu des élèves se dire l’un à l’autre qu’ils ne voudraient pas l’avoir fait. L’inégalité des artistes ne se comprend pas. Ce Vien a fait tout à l’heure, pour Saint-Roch, la prédication de Saint-Denis dans les Gaules, morceau immense et d’un très-grand maître.

Mais au milieu de tout cela, j’allais oublier de vous dire que le prince de Galitzin est marié. Il part de Paris. Il va aux eaux d’Aix-la-Chapelle pour sa santé. Il y trouve le prince et la princesse Ferdinand de Prusse, et une jeune comtesse de Schmettau, jolie, pleine d’esprit, de gaieté, de grâce et de talents, du moins il n’y a qu’une voix là-dessus, et le voilà marié.

Mais la note sur M. de Villiers ne vient point et je n’ai plus rien à vous dire, sinon que je vous salue, et que je vous embrasse tous les deux, que je vous aime de toute mon âme, que j’ai ressenti vos peines comme vous-mêmes, et que s’il y a par hasard encore dans cette lettre quelque chose qui vous offense, vous le pardonnerez à mon amitié.

Mademoiselle Victoire, un peu de hauteur, un peu d’âme. Regrettez plutôt une bonne critique qu’un plat éloge. Et surtout ne défendez jamais ni vos ouvrages ni votre réputation. C’est du temps perdu, tout au moins. Les apologies ne se lisent point. Ayez des mœurs, faites de belles choses, et laissez dire les mé-