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demande pas ce qui ne lui est pas dû. Depuis la date de sa créance, il s’est adressé à tous les envoyés de Russie qui l’ont apparemment éconduit par de belles promesses. Si la demande verbale suffisait pour arrêter la prescription, il serait à peu près en règle.

Vous avez donc fermé votre atelier, mais bien fermé ; encore une fois, mieux que vos livres ? Je vous en fais mon compliment. Encore une fois, on a dit qu’un sot ouvrait quelquefois un avis important ; mais encore une fois, il faut que le cas soit très-rare ; car j’ai trouvé beaucoup de sots, mais pas un de ces avis-là.

Courage, mon ami, fais une belle chose ; car tu le peux. Fais-la si belle qu’après en avoir éprouvé tout le transport de l’admiration, je me rejette sur mon ami qui l’a faite, que je le serre entre mes bras, et que j’en pleure de joie. Voilà la récompense que tu ne peux jamais obtenir de la souveraine la plus puissante. J’ai cet avantage sur elle. Elle peut te combler d’honneurs et de richesses ; mais elle ne saurait t’enivrer comme moi. Tu auras bien de la peine à convenir de cette vérité, maudit courtisan que tu es. On dit pourtant qu’une de nos reines, trouvant un bel esprit de son temps endormi, c’était, je crois, Alain Chartier, baisa une bouche qui avait dit tant de belles choses. Mais cela n’est arrivé qu’une fois ; encore le poëte dormait-il.

Tu nous crois donc bien loin de loi, quand tu travailles ? Non, mon ami, non. Nous sommes à tes côtés. C’est nous que tu vois. C’est notre éloge que tu ambitionnes, et tu pourrais t’écrier aussi à Pétersbourg : Ô Athéniens, combien je me donne de peine pour obtenir de vous un signe d’approbation ! Tu as pincé ma corde, et voilà ma folie qui me reprend ; et j’ai répondu à votre lettre du 21 mai, passons à celle du 3 juillet.

Quelque chose que je fasse, quoi qu’il arrive, vous ne cesserez jamais de m’aimer. Voilà qui est nouveau ! Je ne serai pas un brigand. On ne le devient pas à mon âge, et vous ne punirez pas une inadvertance, la seule faute que je puisse commettre, du châtiment d’une perfidie.

Mlle Collot a été insultée. Le coup de poignard d’un homme et le mépris d’une femme sont les deux vengeances de l’insulte. Il faut tuer, mépriser, ou se taire. J’aime mieux le dernier qui m’a toujours réussi.