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et lorsque votre âme se flétrira, tournez vos yeux vers le midi où des applaudissements flatteurs vous attendent. Mes amis, nous nous reverrons !

J’attends vos derniers bustes, mademoiselle. Vous dégagerez sans doute la promesse que l’on m’en fait. Le Moyne vous aime à la folie.

J’ai été malade, mais je ne le suis plus, mes amis. Depuis le mois d’octobre passé, du lait le matin, du lait le soir ; ni vin, ni liqueurs, ni café, ni femmes. Voudriez-vous de la santé à ce prix-là ? Je ne boude point. J’écris rarement, mais quand je m’y mets, je ne finis point ; et vous m’êtes toujours également chers, soit que je me taise, soit que je m’entretienne avec vous. Aimez-vous tous les deux, aimez-moi bien tendrement. Qui est-ce qui vous consolera de vos peines, à qui confierez-vous vos plaisirs, si vous ne vous aimez-pas ? Rendez vos amusements communs ; ayez vos âmes ouvertes l’un à l’autre ; pensez tout haut, soyez plus jaloux de vous connaître que de vous estimer ; montrez-vous mal plutôt que mieux que vous êtes. Tant qu’il y aura quelque chose de secret dans votre commerce, il perdra quelque chose de sa douceur et de son utilité. Ne vous épargnez pas la vérité. Vous aurez fait tout le chemin que j’exige lorsque vous vous avouerez tout sans rougir. L’histoire fidèle de vos cœurs sera toujours assez belle, sans qu’il soit besoin d’en altérer la vérité. Si vous vous livrez à cette intimité sans réserve, vous saurez bientôt ce que l’un doit attendre de l’autre. Vos petits défauts privés vous déplairont moins ; vous prendrez plus de confiance réciproque dans vos bonnes qualités ; vous ne pourrez plus vous offenser de la diversité de vos goûts ; ils deviendront même un fonds de plaisanterie utile et douce. Les points sur lesquels chacun de vous prétend être libre vous seront connus, et vous trouverez que la vie cénobitique à laquelle vous êtes condamnés peut avoir aussi ses délices.

Mme Diderot est toute à votre service, mademoiselle, envoyez toujours votre mémoire ; après, l’argent viendra quand il pourra.

Nous ne sommes toujours que trois ; nous vous embrassons tous les trois et nous nous laissons embrasser tout à votre aise. Mon compère l’ours, donnez la patte à mademoiselle, l’autre patte à madame, et approchez votre museau. Mais, mademoi-