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instruits et assez libres de publier leurs pensées, pour tirer cette dernière conséquence toujours réelle d’un mauvais édit : Donc tu nous ordonnes d’arracher nos vignes et de brûler nos moissons. Que le plus intrépide des despotes ordonne seulement la suspension des exercices publics religieux ! Ils n’ont pas la première idée d’une nation à qui l’on aurait fait sucer avec le lait le vrai catéchisme politique. Ce sont des aveugles qui parlent de la lumière, comme les esclaves de la liberté. Ils n’ont et ne peuvent avoir le sentiment de son énergie. Qu’ils traversent seulement la Manche, et ils apprécieront la différence d’un peuple qui connaît son intérêt général et d’un peuple qui l’ignore. Créateurs de l’évidence, ils se croient les vrais juges de sa force. C’est à celui qui est frappé et non à celui qui frappe qu’il appartient d’apprécier la violence du coup. Qu’ils jugent donc du coup par les cris des tyrans, des fauteurs de la tyrannie, des prédicateurs du mensonge, par leurs chaînes, leurs bûchers et leurs cachots ; chaînes, bûchers, cachots, avec lesquels ils n’ont jamais pu soutenir l’erreur, et ils détruiront la vérité ! et ils en arrêteront les effets ! Pardonnez-moi, mon ami, cette excursion. C’est que de tous les principes de M. de la Rivière, celui de l’évidence est le seul qu’ont ait jusqu’à présent attaqué… L’agresseur, l’abbé de Mably, est un grave personnage qu’un enfant, le fils de M. de Lavauguyon, a culbuté comme un capucin de cartes. Depuis ce moment les autres, ne hiscere quidem audent. Il ne s’agit pas de glisser furtivement un mot, une satire ; il faut se montrer. Si vous n’aviez rien de mieux à faire, je vous dirais : Prends le livre, lis, attaque, et, quoique je ne sois qu’un néophyte, je me charge de te répondre ; mais à la condition que celui des deux qui se jettera dans les généralités du scepticisme aura tort, ipso facto. Les hypotyposes de Sextus Empiricus ne sont bonnes qu’à amuser des enfants, et à provoquer l’expectoration sur les bancs de l’école, et surtout lorsqu’un homme vous soutiendra que les nations sont abandonnées sans ressource aux mensonges, à la force et aux passions, et que vous lui aurez demandé à quoi bon tant d’expériences, tant de méditations, tant d’écrits ; s’il vous répond : À policer les mœurs, riez-lui au nez ; car, sans s’en apercevoir, il vous accordera précisément ce que vous lui demandez, et comme l’instituteur des théatins, après avoir ordonné qu’ils seraient habillés de blanc, il écrira en marge :