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obscurs, a pu savoir mieux que vous. Quoi ! vous croyez que Pline aura avancé à l’aventure que les anciens statuaires se passaient de modèle ! À cela vous répondez : Mais il est impossible de s’en passer, et je me tais, après vous avoir avoué ingénument que l’idée du modèle ne me paraît pas de l’art naissant, mais bien de l’art qui a fait des progrès[1].

Sur le Cerf de Canachus, Pline, s’attachant au principal mérite de la figure, me dit ce que je dirai quelque jour de votre

  1. « L’art naissant, mon cher Diderot, s’exprimait par des ouvrages d’argile ; et l’art naissant en marbre trouva celui de faire des modèles venus avant lui. Ne savez-vous donc pas que Jupiter fut longtemps d’argile, avant d’être adoré en marbre. Me diriez-vous bien comment la première statue de bronze a été fondue sans modèle ? Désabusez-vous ; j’en sais plus que Pline sur le mécanisme de la sculpture. Toutes les fois qu’un sculpteur de cinquante ans voudra prononcer sur les manœuvres de son art, les littérateurs l’écouteront s’ils veulent en savoir quelque chose. Demandez à Diderot comment il s’y prenait pour faire de bons articles des arts et métiers dans l’Encyclopédie, il vous répondra qu’il allait dans les ateliers consulter des livres vivants, qui, après l’avoir instruit, savaient encore leur métier mieux que lui. »