Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XVIII.djvu/147

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

art les actions et le repos sont mélangés, le bruit et le silence se succèdent.

Après la grande masse des guerriers, Laodice debout devant le lavacre, le pied du lavacre embrassé par Méduse, fille de Priam ; proche de Méduse une vieille ou un eunuque tenant sur ses genoux un enfant effrayé. Autre groupe de repos.

Mais me trompai-je ? Est-ce que ce lavacre n’est pas noble ? Est-ce qu’il n’y a pas une variété et une entente singulières dans ce groupe ? Est-ce que vous n’en ferez pas un bas-relief admirable ?

Sur l’espace le plus voisin des ruines, le peintre a disposé des cadavres : celui de Pélis nu et couché sur le dos, ceux d’Eïonée et d’Admète qu’on n’a point encore dépouillés ; celui de Léocritus sous le lavacre, plus loin ceux de Corœbus et d’Erésus.

Cette composition est énorme ; c’est un assez plat homme qui nous l’a transmise : comment se fait-il qu’on n’y remarque ni monotonie, ni embarras, ni obscurité, ni vide, ni contradiction ?

C’est ici que le peintre a placé les vieillards Axion, Agénor et Priam[1].

Voyez quelle est la position du vieux et malheureux Priam ; il est sous les ruines de sa capitale, et il a sous les yeux le cadavre de son père qu’on traîne, le cadavre de son beau-frère, sa fille prête à être immolée ; l’un de ses enfants expirant, un autre égorgé. Imaginez, si vous l’osez, quelque chose de plus effroyable.

Cependant un vestibule conduit, à travers les ruines, à la maison d’Anténor. On la reconnaît à la peau de léopard suspendue à la porte.

C’est là qu’est le petit groupe de Théano et de ses deux enfants, Glaucus et Eurymachus, l’un assis sur une cuirasse, l’autre sur une pierre.

On voit proche d’eux le traître Anténor et Crino sa fille. Crino tient son enfant entre ses bras, et Pausanias dit que

  1. Diderot commet ici une étrange erreur ; ce sont les cadavres des trois vieillards qui sont représentés dans le tableau de Polygnote : tout ce qu’il dit de la position de Priam est un effet de son imagination. Au reste il reconnaîtra lui-même sa méprise que Falconet ne pouvait manquer de lui reprocher. Voir ci-après, lettre ix. (Note de M. Walferdin.)