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la Bourgogne à la place de M. de Tavannes. Les Enfants de France seront baptisés à la fin du mois. M. le duc de Berri aura pour parrain le roi de Pologne, électeur de Saxe, et pour marraine Madame ; M. le comte de Provence, pour parrain le roi de Pologne, duc de Lorraine, et Mme Victoire pour marraine ; M. le comte d’Artois, pour parrain M. le duc de Berri et pour marraine Mme Sophie ; la petite Madame, pour parrain M. le duc d’Orléans, et pour marraine Mme Louise. Tous les bureaux de la marine cassés au Havre, à Dunkerque, etc. On n’en a plus que faire. Toutes ces choses ingénieuses-là ne sont pas de moi au moins ; c’est une lettre de la cour que je vous copie, mot pour mot.

Mme Arnould est plus violente et plus aimable que jamais. On l’avait tuée au Marais. Le comte, son Myrtil[1], s’en va à Genève avec une Iphigénie en Tauride en poche[2]. Je l’ai vu dimanche passé, et je n’ai jamais vu d’amour-propre plus intrépide. « Eh bien ! que dites-vous de ma Clytemnestre ? — Qu’il y a de beaux vers. — Voltaire m’a écrit que son Oreste n’était qu’une froide déclamation, une plate machine en comparaison. — Il vous a écrit cela ? — Dix fois au lieu d’une. — Oh ! je vous proteste que le perfide n’en croit pas un mot. — Eh bien ! il a tort. » Qu’en dites-vous ? Voilà ce qu’on appelle une tête tournée. Tant mieux, morbleu ! tant mieux, c’est comme cela qu’il faut être, et cent fois plus ridiculement encore épris de soi, pour faire une grande chose ; car c’est en se croyant capable qu’on la fait, ou du moins qu’on la tente. Adieu, mes amies. Voilà une bien mauvaise lettre, bien froide, pas un petit mot ni d’amitié ni d’amour. Cela est bien mal. Je commets là une faute que je ne vous pardonnerais pas. Je sens pourtant là bien des sentiments accumulés. Quand tout pela se répandra-t-il dans votre sein ? Adieu, âmes célestes. Seriez-vous des âmes célestes, si la nuit avec ses ténèbres… ? Vous entendez, Uranie.

  1. Lauraguais.
  2. Il ne mit jamais sans doute ce projet à exécution. On ne connaît du moins de Lauraguais que sa Clytemnestre dont Diderot a parlé dans sa lettre précédente, et sa Jocaste. Paris, Debure, 1781, in-8. (T.)