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espèce de dureté, et je le serai comme il me convient. J’ai travaillé hier toute la journée, aujourd’hui tout le jour. Je passerai la nuit et toute la journée de demain, et, à neuf heures, il recevra un volume d’écriture.

Il a l’air un peu sot, notre ami Saurin.

Les Cacouacs[1] ? c’est ainsi qu’on appelait, l’hiver passé, tous ceux qui appréciaient les principes de la morale au taux de la raison, qui remarquaient les sottises du gouvernement et qui s’en expliquaient librement, et qui traînaient Briochet le père, le fils et l’abbé dans la boue. Il ne vous manque plus que de me demander ce que c’est que Briochet. C’est le premier joueur de marionnettes qui ait existé dans le monde. Tout cela bien compris, vous comprendrez encore que je suis Cacouac en diable, que vous l’êtes un peu, et votre sœur aussi, et qu’il n’y a guère de bon esprit et d’honnête homme qui ne soit plus ou moins de la clique.

Vous croyez qu’un jour Saurin saura tout. Il ne sera pas de bonne humeur ce jour-là[2].

Oui, la Clytemnestre[3] du comte de Lauraguais est en vers, et quelquefois en très-beaux vers. Lorsqu’il me les lisait, je lui disais : « Mais, monsieur le comte, c’est une langue que cela ; où l’avez-vous apprise ? » On dit qu’il a à côté de lui un nommé Clinchant qui la sait. Mais que m’importe à moi que les beaux vers soient de Clinchant ou du comte ? le point important c’est qu’ils soient faits, et ils le sont.

On répand, depuis quelques jours, la mort de Mlle  Arnould ; cela mérite confirmation. En attendant, l’abbé Raynal m’a fait son oraison funèbre, en me récitant quelques traits d’une con-

  1. Mlle  Volland avait sans doute demandé à Diderot la signification de ce mot. Moreau, l’historiographe, qui était fort hostile aux encyclopédistes, fit paraître un Nouveau Mémoire pour servir à l’histoire des Cacouacs (Amsterdam, 1757, in-12), où Montesquieu, Voltaire, Buffon, Rousseau, d’Alembert, Diderot et autres sont peints comme professant des principes pernicieux pour la société et la tranquillité publique. L’année suivante (1758), on vit paraître Catéchisme et décisions de cas de conscience à l’usage des Cacouacs, avec un discours du patriarche des Cacouacs pour la réception d’un nouveau disciple. À Cacopolis (Paris), 1758, in-12. Cette plaisanterie est attribuée à l’abbé Giry de Saint-Cyr, de l’Académie française. (T).
  2. Voir ci-après, p. 64.
  3. 1761, in-8o, non représentée. C’est Malfilâtre, et non Clinchant, qui fut le collaborateur de Lauraguais.