Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XIX.djvu/512

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’ai vu entre les mains de Mme Geoffrin une lettre dont j’ai commencé par baiser les sacrés caractères. Ils étaient tracés de la main de ma bienfaitrice. Mais jugez de l’état de mon âme à la lecture des choses touchantes que j’y ai trouvées. Il me semblait n’avoir plus mie goutte de mon sang qui m’appartînt. Que les souverains ne feraient-ils pas de nous s’ils daignaient en prendre la peine !

C’est par vous, monsieur, que mon bonheur a commencé ; c’est vous qui fîtes pour la première fois entendre mon nom à votre auguste souveraine. C’est à ce titre que je vous dois tous les sentiments tendres d’un enfant pour son père ; et c’est avec ce profond respect que j’ai l’honneur d’être, etc.


XLI


À JOHN WILKES[1].
Paris, 2 avril 1768.
Monsieur,

J’ai reçu avec le plus grand plaisir la nouvelle de votre élection. Je me trouvais avec le président quand votre lettre me fut remise ; elle fut lue immédiatement, et toute la compagnie, qui était très-nombreuse, fut ravie de votre succès. Vos vertus sociales rendront en tout temps et partout votre mémoire chère et précieuse à vos amis et la justice qui vous a été rendue d’une manière si publique et si distinguée vous indemnise suffisamment des ennuis de votre exil. Quelle satisfaction de régner sur le cœur des hommes ! Vous régnez sur ceux de vos concitoyens, et vous méritez de régner sur eux dont vous avez défendu les droits ; en véritables enfants de la liberté qu’ils sont, ils ont couronné par acclamation le champion de leurs libertés.

  1. Publiée t. V, p. 243, de The Correspondence of the late John Wilkes with his friends. London, 1805, 5 vol. in-8. C’est la traduction de la « translation » en anglais que nous publions.