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Enchanta l’univers par les mêmes vertus
Qui font adorer la mémoire
Des Antonins et des Titus.
Que sa grande âme, en ressources féconde,
S’élançait des bornes du monde
Pour honorer les arts et faire des heureux ;
Qu’elle daigna chercher et parvint à connaître
Un étranger obscur, sans brigue, sans aïeux,
Ignoré même de son maître,
Et souffrant sans murmure un destin rigoureux ;
Qu’elle vint le surprendre au sein de la misère,
Et lui montrer, dans ses dons généreux,
La magnificence des dieux
Et la tendresse d’une mère.
Au récit consolant de ces faits précieux.
Tout mortel sensible respire,
Et crie à ces héros dont le glaive odieux
Veut du sang à répandre et des murs à détruire,
Qu’il est un art plus doux, plus sûr, plus glorieux,
D’asservir sans carnage et de vaincre sans nuire ;
Que de la Reine que j’admire
Tous les infortunés devinrent les sujets ;
Qu’elle sut à la fois gouverner, plaire, instruire,
Et reculer par ses bienfaits
Les limites de son Empire[1].


Et vous croyez donc, monsieur, que je consumerai dans une stérile oisiveté les jours heureux que l’impératrice m’a faits ? Vous croyez que je laisserai les instruments qu’elle m’a confiés se couvrir d’une honteuse poussière ? Non, il n’en sera rien. Je jure qu’avant de mourir j’aurai élevé à sa gloire une pyramide qui touchera le ciel, et où dans les siècles à venir les souverains verront, parce que le sentiment seul de la reconnaissance aura entrepris et exécuté, ce qu’ils auraient obtenu du génie si leurs bienfaits l’avaient cherché.

Jeune élève de Praxitèle, hâtez-vous de rendre les traits de

  1. Dans la lettre XIII à Falconet, Diderot a déjà parlé de ces vers « qui n’étaient pas mauvais ». Sont-ils bien réellement de lui ? Le Recueil de quelques articles tirés de différents ouvrages périodiques, de Jean Devaisnes (imp. d’abord à 14 ex. au château de Dampierre), contient cette pièce de vers avec de très-légères variantes et cette note : « Diderot pria un de ses amis d’exprimer sa reconnaissance pour l’achat de sa bibliothèque, et celui-ci fit cette épître qui fut envoyée à Catherine en 1706. (sic). »