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rendriez et que j’ose espérer de vous. Tous les gens de lettres et les honnêtes gens n’ont qu’une patrie, et je sais qu’à ces deux titres on peut tout attendre de M. Garrick. Je vous envoie ma pièce sous l’enveloppe de l’ambassadeur de France, chez qui je vous prie de vouloir bien la faire prendre. Je vous laisse absolument le maître de tous les changements que vous jugerez nécessaires, et je suis sûr que mon ouvrage gagnera beaucoup à passer par vos mains. Si ce premier drame me procure l’avantage d’entrer avec vous, monsieur, en société de travail, je serai trop flatté pour ne pas la continuer. J’ai actuellement sur le métier une tragédie d’un genre aussi très-neuf, qui, par le sujet et les allusions, intéressera particulièrement votre nation, et que la hardiesse des pensées et de l’intrigue rend trop forte pour la mienne[1]. C’est un second enfant que je vous prierai encore d’adopter, et auquel je tâcherai de donner d’autres pères, dans la confiance que vous prendrez de tous le même soin. Au reste, monsieur, l’avantage le plus précieux et le plus flatteur que j’y envisage, c’est l’amitié que j’espère qui en résultera entre nous. L’envie que j’ai de mériter et d’acquérir la vôtre est égale aux sentiments d’estime et de considération avec lesquels j’ai l’honneur d’être, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur,

Fenouillot
Chez M. de La Brosse, rue d’Anjou-Dauphine, faubourg Saint-Germain.


XXXVIII


DIDEROT À GARRICK.
À Paris, ce 20 janvier 1767.

Monsieur et très-honoré Roscius, c’est moi qui ai donné au poëte qui vous écrit au coin de mon feu le conseil de travailler

  1. Allusion au Fabricant de Londres, drame en cinq actes et en prose, Paris, 1771, in-8 ; cinq figures de Gravelot.