Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, XIX.djvu/467

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

clopédie. Les libraires sentent aussi bien que moi que d’Alembert n’est pas un homme facile à remplacer ; mais ils ont trop d’intérêt au succès de leur ouvrage pour se refuser aux dépenses. Si je peux espérer de faire un huitième volume deux fois meilleur que le septième, je continuerai ; sinon serviteur à l’Encyclopédie. J’aurai perdu quinze ans de mon temps : mon ami d’Alembert aura jeté par la fenêtre une quarantaine de mille francs, sur lesquels je comptais et qui auraient été toute ma fortune ; mais je m’en consolerai, car j’aurai le repos.

Adieu, mon cher maître, portez-vous bien et aimez-moi toujours.

Ne soyez plus fâché, et surtout ne me redemandez plus vos lettres ; car je vous les renverrais et n’oublierais jamais cette injure. Je n’ai pas vos articles, ils sont entre les mains de d’Alembert et vous le savez bien. Je suis pour toujours avec attachement et respect, monsieur et cher maître, etc.


XXI

AU MÊME[1].
14 juin 1758.

Si je veux de vos articles, monsieur et cher maître, est-ce qu’il peut y avoir de doute à cela ? Est-ce qu’il ne faudrait pas faire le voyage de Genève et aller vous les demander à genoux, si on ne pouvait les obtenir qu’à ce prix ? Choisissez, écrivez, envoyez, envoyez souvent. Je n’ai pu accepter vos offres plus tôt ; mon arrangement avec les libraires est à peine conclu. Nous avons fait ensemble un beau traité, comme celui du diable et du paysan de La Fontaine. Les feuilles sont pour moi, le grain est pour eux ; mais au moins ces feuilles me seront assurées.

  1. Le 19 mai 1758, Voltaire s’était plaint à d’Argental du silence de Diderot : « J’ai fait, dit-il, des recherches très-pénibles pour rendre les articles Histoire et Idolâtrie intéressants et instructifs… Je vous demande en grâce d’exiger de Diderot une réponse catégorique et prompte. Je ne sais s’il entend les arts et métiers et s’il a le temps d’entendre le monde… »