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NOTICE PRÉLIMINAIRE


Sans les lettres que Diderot lui écrivit, Mlle  Jodin serait absolument inconnue et l’honneur d’avoir eu un tel correspondant n’a pas suffi à la tirer tout à fait de l’obscurité profonde où l’a laissée son talent dramatique. Ce que l’on sait d’elle peut aisément tenir en quelques lignes. Elle était fille de Pierre Jodin, né à Genève en 1715, mort à Saint-Germain-en-Laye, le 6 mars 1761, qui avait présenté à l’Académie des sciences le modèle d’un moulin à lavure et publié deux brochures, l’une sur l’horlogerie, Les échappements à repos comparés à ceux de recul, 1754, in-12, l’autre sur l’astronomie, Examen des observations de M. de Lalande, 1755, in-12. Ce furent ces travaux qui mirent Jodin en rapport avec Diderot et qui l’amenèrent, dit-on, à collaborer à l’Encyclopédie, sans doute quand cette grande entreprise s’achevait clandestinement, car son nom ne figure pas dans les listes placées en tête des huit premiers volumes. Lorsqu’il fut mort, sa fille céda à son goût pour le théâtre et partit pour Varsovie : elle y eut quelques succès, se vit proposer par l’intermédiaire du philosophe un engagement pour Pétersbourg qui n’eut pas lieu et alla jouer à Bordeaux où elle fut suivie par le comte de Schullembourg, son amant. Soit qu’elle n’ait eu dans cette ville aucun succès, soit qu’elle ait pris un pseudonyme, son nom ne figure pas une fois dans les travaux de MM. Lamothe et Detcheverry sur les théâtres de Bordeaux. Le seul renseignement biographique que nous ayons sur ce séjour vient encore de Diderot. On a vu (p. 322) que Mlle  Jodin, protestante convertie et pensionnée comme telle, ayant plaisanté sur le passage d’une procession, avait été emprisonnée, puis relâchée sous une forte caution. Cette dernière incartade irrita assez vivement Diderot pour qu’il cessât de s’occuper d’elle. Il ne lui avait jusque-là d’ailleurs ménagé ni les reproches ni les conseils. Ses lettres respirent la morale familière la plus pratique, en même temps qu’elles renferment sur l’art dramatique des préceptes dignes