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en coûte bien peu de chose pour le faire bon ; je vous le défends, entendez-vous, et si vous revenez avec une pièce de vingt vers en poche, vous nous la lirez, nous l’écouterons avec plaisir et vous battrons comme plâtre. El sacro santo far niente. Voilà le seul Dieu auquel nous vous permettions de sacrifier, et boire, manger, dormir, voilà tout son culte.

Nos amies sont bien loin ; cela n’empêche pas que nous ne causions très-souvent de vous, elles prennent l’intérêt le plus sincère à votre santé. Si elle est bonne, ne me le laissez pas ignorer, afin qu’elles le sachent et qu’elles s’en réjouissent avec moi. Lorsque vous reverrez l’honnête et aimable commère, et l’époux et toute la poussinée, embrassez tout cela pour moi ; si je pouvais leur être de quelque utilité, vous ne manquerez pas de me le dire, parce qu’il est doux de faire le bien à tout le monde, et surtout à ceux qui en sont aussi dignes. Je vois quelquefois Sedaine, et jamais sans commémoration du cher abbé. Il y a à la barrière de Seine une petite tanière de jeunes libertins, où j’ai encore le plaisir de vous entendre nommer avec éloge. Je vous jure que quand je ne saurais pas combien il y a à gagner à mériter l’estime et l’amitié de ses semblables, je l’aurais bien appris pendant votre absence. Vous avez tout plein d’amis. Je vous dis tout cela par occasion, car la raison, la vraie raison qui me fait écrire, c’est que j’ai vendu votre Encyclopédie ; non pas autant que je l’aurais bien voulu ; le bruit que ces coquins de libraires de Suisse ont répandu, qu’ils allaient donner une édition de l’ouvrage corrigé et augmenté, nous a fait un peu de tort. Envoyez donc prendre chez moi neuf cent cinquante livres qui vous appartiennent ; si cela ne suffisait à vos dépenses, à côté du tiroir qui contient votre argent, il y en a un autre qui renferme le mien. Je ne sais pas ce qu’il y a, mais je le compterai à vos ordres. Quand vous donnez une adresse, ne pourriez-vous pas l’écrire un peu plus lisiblement ? Bonjour, mon ami, je vous embrasse de tout mon cœur. Présentez mon respect et embrassez pour moi votre chère cousine. Si je vous disais que nous ne sommes pas pressés de vous revoir, vous n’en croiriez rien, et vous diriez que je mens. Ne nous revenez cependant qu’à la fin des beaux jours. Le dévot Piron fait de mauvais vers orduriers. Le vieux Voltaire fait des ouvrages tout jeunes. Je lis tout cela ; si vous étiez là, j’en causerais ;