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la rue des Poulies ; un tour de promenade jusqu’à la chute du jour. Sur les huit heures, rue Saine-Anne. Son fils[1] fait des progrès inouïs. M. Digeon vient lui en rendre compte. Elle en est transportée de joie ; mais c’est un éclair qui passe, et je les trouve tristes tous deux. Comme ce que je sais de plus est de confidence et non d’observation, il ne m’est pas permis de vous en dire davantage. M. Digeon n’a et n’a jamais eu rien de commun avec Mme de Grandpré. On a fait cette découverte à l’occasion de l’instituteur qu’on se propose de prendre et qu’on ne prend toujours point. Elle lui disait : « Cela devient absolument nécessaire. Je crains que les assiduités que vous avez ici ne rendent soucieuse une personne à laquelle je serais bien fâchée de causer la moindre peine. — Je vous entends, madame ; je vous jure que cette personne prend le plus grand intérêt au succès de mes soins, et qu’elle n’a aucun droit de les désapprouver. — Mais il peuvent être sus d’une autre. — Cette autre-là les sait, et il y a longtemps qu’elle est la maîtresse de sa conduite, et moi de la mienne. Nous nous disons tout quand nous nous rencontrons, et nous ne nous reprochons plus rien. — Mais le public ? J’ai une fille ; si l’on vous supposait des vues de son côté, il n’en faudrait pas davantage pour éloigner ceux qui pourraient y prétendre ; et si l’on faisait une autre supposition, il y a des gens sensés qui jugent des mœurs de l’enfant par celles de la mère. — Madame, je ne sais point de réponses à cela. » Et moi j’ajoute au récit qu’on me fait de ces conversations : Je ne sais, chère sœur, ce que vous vous proposez ; mais ne concevez-vous pas que vous voilà dans la grande intimité ; que vous avez autorisé M. Digeon à toucher sans scrupule, avec vous, certaines cordes ; et qu’après les questions indiscrètes que vous lui avez faites, il lui est libre de vous entretenir de ce qu’il lui plaira ? Elle en convient. « Mais quel remède à cela ? — Aucun, si ce n’est, à la première causerie de cette nature, de vous expliquer nettement, mais sans que cela paraisse apprêté, sur les devoirs d’une femme honnête, sur les périls de ces sortes de liaisons, la paix domestique perdue, la considération publique hasardée, le respect de soi-même, et tant d’autres choses que vous peindrez avec force, et qui arrêteront votre

  1. Le fils de Mme Le Gendre.