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près de deux ans en province, dans l’espérance de demeurer toutes ensemble, et que vous n’y demeurerez pas.

Je veux absolument achever, et je crains bien qu’au moment où je vous parle, ce ne soit une affaire faite. Connaissez-vous une maison appartenant à MM. de Noailles, dont la ruine d’un des côtes a entraîné la ruine de l’autre, sise dans la rue Sainte-Anne ou rue de Richelieu ? C’est l’hôtel garni de Suède, rue Sainte-Anne. Eh bien, M. de Prisye avait vu M. de La Vergne ; il venait rendre compte de sa mission qu’il avait fort bien faite ; et l’on a dû dîner aujourd’hui chez M. de La Vergne. C’est un objet de quarante à cinquante mille francs. La façade n’est plus d’aplomb ; un des murs mitoyens a plié, les poutres de la charpente se sont brisées, les plafonds ont fléchi, et le mur opposé s’est incliné sur l’autre. Quand on aura mis là le marteau, et qu’au dégât du marteau se joindra le dégât des fantaisies de l’acquéreur, jugez ce que cela deviendra, et jusqu’où nous voilà renvoyés, surtout si madame votre mère a la prudence de ne pas s’exposer aux mauvais effets d’une maçonnerie toute fraîche.

La chère sœur a beau dire qu’il faut renoncer à cette acquisition, si le prix n’en est pas tout à fait modéré, et s’il n’y a pas de l’espace à loger toute la famille ; l’époux va toujours son train.

Notre ouvrage serait fini, sans une nouvelle bêtise de l’imprimeur qui avait oublié dans un coin une portion du manuscrit.

J’en ai, je crois, pour le reste de la semaine, après laquelle je m’écrierai : Terre ! terre !

J’ai entamé l’affaire d’intérêt, qui se terminera, selon toute apparence, à mon entière satisfaction ; on m’accordera un exemplaire pour un honnête travailleur à qui je l’ai promis. On me cédera quelques livres que je dois. On déchirera un ou deux billets que j’ai signés, et l’on m’accordera quatorze cent vingt-huit livres pour un dernier volume que je n’ai pas cédé ; toutes mes dettes seront acquittées, et je marcherai sur la terre léger comme une plume.

La tranquillité stupide de Le Breton, qui se trouve sur le penchant de la ruine et du déshonneur, me confond. J’ai vu un de ses confrères qui ne dort plus d’un si bon sommeil. Il igno-