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être lu que sur les lieux et devant les tableaux dont l’auteur parle ; cependant, soit prestige de l’art, ou talent de l’auteur, l’imagination se réveille et on lit : ses jugements sont plus ou moins étendus, selon que les ouvrages sont plus ou moins importants.

M. Cochin pense qu’un peintre qui réunit dans un grand degré toutes les parties de la peinture, dont il ne possède aucune dans un degré éminent, est préférable à celui qui excelle dans une ou deux, et qui est médiocre dans les autres ; d’où il s’ensuit que le Titien est le premier des peintres pour lui. Je ne me connais pas assez en peinture pour décider si ce titre doit être accordé au concours de toutes les qualités de la peinture, réunies dans un grand degré, sans aucun côté excellent ; mais je jugerais autrement en littérature. Je n’estime que les originaux et les hommes sublimes, ce qui caractérise presque toujours le point suprême en une chose, et l’infériorité dans toutes les autres.

Il y a des repos dans cet ouvrage qui le rendent intéressant. Là l’auteur traite de quelque partie de l’art ; les principes qu’il établit sont toujours vrais et quelquefois nouveaux. Il y a un morceau sur le clair-obscur, qu’il faut apprendre par cœur ou se taire devant un tableau. Il ne faut pas aller en Italie sans avoir mis ce voyageur dans son porte-manteau, broché avec des feuillets blancs, soit pour rectifier les jugements de l’auteur, soit pour les confirmer par de nouvelles raisons, soit pour les étendre, ou y ajouter des morceaux sur lesquels il passe légèrement.

La peinture italienne est, comme vous savez, distribuée en différentes écoles, qui ont chacune leur mérite particulier. M. Cochin discute à fond ce point important, dont tout amateur doit être instruit. Si l’on est à portée d’avoir le tableau sous les yeux en même temps que son livre, outre la connaissance des principales productions de l’art, on acquerra encore celle de la langue et des termes qui lui sont propres, et dont on aurait peut-être bien de la peine à se faire des idées justes par une autre voie.

Je ne connais guère d’ouvrage plus propre à rendre nos simples littérateurs circonspects, lorsqu’ils parlent de peinture. La chose dont ils peuvent apprécier le mérite et dont ils soient