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perdus. Ah ! si je savais faire ce que tu fais, je ferais bien autre chose ! » De bonne foi, monsieur Cochin, lorsque vous avez pris un crayon par amitié ou par estime pour M. Thomas, avez-vous rien senti de ce que vous vous proposiez de faire pour lui ?

Comme cela est arrangé ! c’est un tas de figures sans vérité, sans esprit, sans effet, sans caractère. Elles sont collées les unes sur les autres, et toutes sur le fond. Point d’air qui circule entre elles et qui les détache. A aucune d’elles, ni l’action, ni la position, ni l’expression qui lui convienne.

Cachez la lyre de ce triste Génie qui est à gauche sur le devant, et vous jureriez que c’est un ange en adoration pris, de quelque tableau de Nativité.

Où est la noblesse et la sévérité de Minerve ? Cela ! c’est une petite physionomie d’Agnès.

Ce rustre ignoble, renversé à terre, c’est Prométhée ? Je n’en crois rien. C’est un sot et vilain forgeron de la boutique de Vulcain. Et que fait-il sous les jambes de cette femme ? Où veut-il lui mettre le feu ? Certes, ce n’est pas à la tête.

Votre Vénus est jolie ; mais elle n’est pas belle. Ce n’est pas la déesse, c’est une de ses suivantes.

Cet Amour qui est sur le fond à côté d’elle, c’est l’enfant d’une Savoyarde. Tout cela est d’un style pauvre, petit, mesquin.

Pourriez-vous me dire pourquoi cette femme, au milieu de ces personnages bienfaisants, a l’air maussade, pleureur et un peu pie-grièche ?

Votre Pandore est commune d’expression. Pour se tirer de cette figure en homme de génie, il fallait savoir fondre ensemble la beauté et la méchanceté, comme on le voit dans quelques camées antiques des Euménides, sans oublier la noblesse. Pour lui donner de l’action, il fallait qu’elle commençât à entr’ouvrir sa boîte fatale.

Votre Vénus ne signifie rien ; on ne sait ce qu’elle fait.

Pourquoi la femme est-elle debout ? Ces convenances fines qui dirigent l’artiste sans qu’il s’en doute la demandaient plutôt assise, comme le doit être un personnage dont tous les autres s’occupent, autour duquel on s’empresse, à qui tout s’adresse.

Voilà votre tableau : voici le mien. J’aurais assis la femme au centre de ma toile. Elle aurait tourné modestement et avec grâce