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ESSAI SUR LA PEINTURE.

dans le tableau de M. de La Tour[1]. On a exposé cette année dans le Salon un tableau de la Mort de Socrate, qui a tout le ridicule qu’une composition de cette espèce pouvait avoir. On y fait mourir sur un lit de parade le philosophe le plus austère et le plus pauvre de la Grèce. Le peintre n’a pas conçu combien la vertu et l’innocence, près d’expirer au fond d’un cachot, sur un lit de paille, sur un grabat, ferait une représentation pathétique et sublime.




CHAPITRE IV.


Ce que tout le monde sait sur l’expression, et quelque chose
que tout le monde ne sait pas.

Sunt lacrymas rerum, et mentem mortalia pectora tangunt
Virg., Æneid. lib. I, v. 466.

L’expression est en général l’image d’un sentiment.

Un comédien qui ne se connaît pas en peinture est un pauvre comédien ; un peintre qui n’est pas physionomiste est un pauvre peintre.

Dans chaque partie du monde, chaque contrée ; dans une même contrée, chaque province ; dans une province, chaque ville ; dans une ville, chaque famille ; dans une famille, chaque individu ; dans un individu, chaque instant a sa physionomie, son expression.

L’homme entre en colère, il est attentif, il est curieux, il dime, il hait, il méprise, il dédaigne, il admire ; et chacun des mouvements de son âme vient se peindre sur son visage en caractères clairs, évidents, auxquels nous ne nous méprenons jamais.

  1. Exposé en 1753. Voici les vers de Marmontel :

    À ces traits, par le zèle et l’amitié tracés,
    Sages, arrêtez-vous ; gens du monde, passez.


    Grimm critiquait le premier de ces vers qu’il regardait comme un remplissage inutile.