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Baléchou[1], qui sait conserver aux eaux la transparence des eaux de Vernet, fait des montagnes de velours.

N’estimez ni un travail propre, égal et servilement conduit, ni un travail libertin et déréglé. Il n’y a là que de la patience ; ici, que de la paresse ou même de l’insuffisance.

Il y a des artistes qui affectent une gravure losange ; d’autres une gravure carrée. Dans la gravure losange, les tailles dominantes, qui établissent les formes, les ombres, ou les demi-teintes, se croisent obliquement. Dans la gravure carrée, elles se coupent à angles droits. Si l’on place les unes sur les autres des tailles trop losanges, ces figures trop allongées en un sens, trop étroites dans l’autre, produiront une infinité de petits blancs qui s’enfileront de suite, et qui interrompront, surtout dans les masses d’ombre, la tranquillité et le sourd qu’elles demandent.

Les uns gravent serré ; d’autres gravent lâche. La gravure serrée peint mieux, donne de la douceur. La gravure lâche alourdit, ôte la souplesse, et fatigue l’œil. Ce sont deux étoffes, l’une tramée gros, et l’autre tramée fin. La dernière est la précieuse.

C’est par les entre-tailles qu’on caractérise les métaux, les eaux, la soie, les surfaces polies et luisantes. Il y a des tailles en points. Il y a des points semés dans les tailles. Les points empâtent les chairs. Il y a des points ronds et des points couchés, qu’on entremêle selon les effets à produire.

Si l’on forme avec une pointe aiguë des traits ou des hachures, sans recourir ni à l’eau-forte, ni au burin, cela s’appelle graver à la pointe sèche. La pointe sèche ouvre le cuivre, sans en rien détacher. On l’emploie dans le fini, aux objets les plus tendres, les plus légers, aux ciels, aux lointains ; et son travail, contrastant avec celui de l’eau-forte et du burin, est toujours heureux et piquant.

Si, dans la gravure à l’eau-forte, cette esclave capricieuse du graveur a tracé une taille peu profonde, et qui ait encore le défaut d’être plus large que profonde, attendez-vous à voir cet endroit gris relativement au travail du burin. L’eau-forte fait la

  1. Baléchou, né à Arles en 1715, mourut à Avignon cette même année 1703. On recherche de lui les Baigneuses, le Calme et la Tempête d’après Vernet, la Sainte Geneviève d’après Carle Van Loo, et un portrait d’Auguste, roi de Pologne.