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et de la variété, ils comparent les cercles et les sphères avec les ellipses et les sphéroïdes peu excentriques ; et ils prétendent que la parfaite uniformité des uns est compensée par la variété des autres, et que leur beauté est à peu près égale.

Le beau, dans les ouvrages de la nature, a le même fondement selon eux. Soit que vous envisagiez, disent-ils, les formes des corps célestes, leurs révolutions, leurs aspects ; soit que vous descendiez des cieux sur la terre, et que vous considériez les plantes qui la couvrent, les couleurs dont les fleurs sont peintes, la structure des animaux, leurs espèces, leurs mouvements, la proportion de leurs parties, le rapport de leur mécanisme à leur bien-être ; soit que vous vous élanciez dans les airs et que vous examiniez les oiseaux et les météores ; ou que vous vous plongiez dans les eaux, et que vous compariez entre eux les poissons, vous rencontrerez partout l’uniformité dans la variété ; partout vous verrez ces qualités compensées dans les êtres également beaux, et la raison composée des deux, inégale dans les êtres de beauté inégale ; en un mot, s’il est permis de parler encore la langue des géomètres, vous verrez dans les entrailles de la terre, au fond des mers, au haut de l’atmosphère, dans la nature entière et dans chacune de ses parties, l’uniformité dans la variété, et la beauté toujours en raison composée de ces deux qualités.

Ils traitent ensuite de la beauté des arts, dont on ne peut regarder les productions comme une véritable imitation, tels que l’architecture, les arts mécaniques et l’harmonie naturelle ; ils font tous leurs efforts pour les assujettir à leur loi de l’uniformité dans la variété ; et si leur preuve pèche, ce n’est pas par le défaut de l’énumération ; ils descendent depuis le palais le plus magnifique jusqu’au plus petit édifice, depuis l’ouvrage le plus précieux jusqu’aux bagatelles, montrant le caprice partout où manque l’uniformité, et l’insipidité où manque la variété.

Mais il est une classe d’êtres fort différents des précédents, dont les sectateurs de Hutcheson sont fort embarrassés ; car on y reconnaît de la beauté, et cependant la règle de l’uniformité dans la variété ne leur est pas applicable : ce sont les démonstrations des vérités abstraites et universelles. Si un théorème contient une infinité de vérités particulières qui n’en sont que