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un tableau de Raphaël, qui a passé de la galerie de M. de Thiers dans celle de Catherine II[1], le saint Joseph est une nature commune ; la Vierge est une belle femme réelle ; l’enfant Jésus est idéal. Mais si vous en voulez savoir davantage sur ces principes spéculatifs de l’art, je vous communiquerai mes Salons.

LE SECOND

J’en ai entendu parler avec éloge par un homme d’un goût fin et d’un esprit délicat.

LE PREMIER

M. Suard.

LE SECOND

Et par une femme qui possède tout ce que la pureté d’une âme angélique ajoute à la finesse du goût.

LE PREMIER

Madame Necker.

LE SECOND

Mais rentrons dans notre sujet.

LE PREMIER

J’y consens, quoique j’aime mieux louer la vertu que de discuter des questions assez oiseuses.

LE SECOND

Quinault-Dufresne, glorieux de caractère, jouait merveilleusement le Glorieux.

LE PREMIER

Il est vrai ; mais d’où savez-vous qu’il se jouât lui-même ? ou pourquoi la nature n’en aurait-elle pas fait un glorieux très rapproché de la limite qui sépare le beau réel du beau idéal, limite sur laquelle se jouent les différentes écoles ?

LE SECOND

Je ne vous entends pas.

LE PREMIER

Je suis plus clair dans mes Salons, où je vous conseille de lire le morceau sur la Beauté en général. En attendant, dites-moi, Quinault-Dufresne est-il Orosmane[2] ? Non. Cependant,

  1. Nous savons que Diderot avait servi d’expert pour la vente du cabinet de M. de Thiers à l’impératrice. Voyez t. I, p. liii, note 2.
  2. Voir la note de Grimm dans les Observations sur Garrick, ou les Acteurs anglais, ci-dessus, p. 354.