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— C’est le malheur que vous voulez dire.

De me voir revenir.

LA COMÉDIENNE

De me voir revenir.Ce serait bien en vain.

Le comédien. Ma mie, vous êtes une fieffée gueuse, à qui j’apprendrai à parler.

LE COMÉDIEN

Moi-même de cent coups je percerais mon sein,

La comédienne. Plût à Dieu !

Si j’avais jamais fait cette bassesse insigne,

— Pourquoi pas celle-là, après tant d’autres ?

De vous revoir, après ce traitement indigne.

LA COMÉDIENNE

Soit ; n’en parlons donc plus.


Et ainsi du reste. Après cette double scène, l’une d’amants, l’autre d’époux, lorsque Éraste reconduisait sa maîtresse Lucile dans la coulisse, il lui serrait le bras d’une violence à arracher la chair à sa chère femme, et répondait à ses cris par les propos les plus insultants et les plus amers.

LE SECOND

Si j’avais entendu ces deux scènes simultanées, je crois que de ma vie je n’aurais remis le pied au spectacle.

LE PREMIER

Si vous prétendez que cet acteur et cette actrice ont senti, je vous demanderai si c’est dans la scène des amants, ou dans la scène des époux, ou dans l’une et l’autre ? Mais écoutez la scène suivante entre la même comédienne et un autre acteur, son amant.

Tandis que l’amant parle, la comédienne dit de son mari : « C’est un indigne, il m’a appelée… ; je n’oserais vous le répéter. »

Tandis qu’elle répond, son amant lui répond : « Est-ce que vous n’y êtes pas faite ?… » Et ainsi de couplet en couplet.

« Ne soupons-nous pas ce soir ? — Je le voudrais bien ; mais comment s’échapper ? — C’est votre affaire. — S’il vient