Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VIII.djvu/389

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Vous en avez fait meilleur marché.

Je vivais tout en vous ;

— Cela est faux, et vous en avez menti.

Je vivais tout en vous ;Et, je l’avouerai même,
Peut-être qu’après tout j’aurai, quoique outragé,
Assez de peine encore à m’en voir dégagé.

— Cela serait fâcheux.

Possible que, malgré la cure qu’elle essaie,
Mon âme saignera longtemps de cette plaie,

— Ne craignez rien ; la gangrène y est.

Et qu’affranchi d’un joug qui faisait tout mon bien,
Il faudra me résoudre à n’aimer jamais rien.

— Vous trouverez du retour.

Mais enfin il n’importe ; et puisque votre haine
Chasse un cœur tant de fois que l’amour vous ramène,
C’est la dernière ici des importunités
Que vous aurez jamais de mes vœux rebutés.

LA COMÉDIENNE

Vous pouvez faire aux miens la grâce tout entière,
Monsieur, et m’épargner encor cette dernière.

Le comédien. Mon cœur, vous êtes une insolente, et vous vous en repentirez.

LE COMÉDIEN

Eh bien, madame, eh bien ! ils seront satisfaits.
Je romps avecque vous, et j’y romps pour jamais.
Puisque vous le voulez, que je perde la vie,
Lorsque de vous parler je reprendrai l’envie.

LA COMÉDIENNE

Tant mieux, c’est m’obliger.

LE COMÉDIEN

Tant mieux, c’est m’obliger.Non, non, n’ayez pas peur

La comédienne. Je ne vous crains pas.

Que je fausse parole ; eussé-je un faible cœur,
Jusques à n’en pouvoir effacer votre image,
Croyez que vous n’aurez jamais cet avantage