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bonnet de laine, avec un bâton d’épine à la main ; ils m’ont tous répondu que non. J’ai grimpé au haut d’une butte pour voir de plus loin, je ne l’ai point aperçu. En revenant, je me suis arrêté vers le petit chevrier qui garde ici près son troupeau. Ô qu’il était chagrin et qu’il m’a fait de pitié ! Embrasse-moi, papa.

LE PÈRE. Pourquoi faut-il que je t’embrasse ?

l’enfant. Embrasse-moi toujours, car j’ai fait ce que tu m’as recommandé tant de fois. Il était assis auprès de ses chèvres, il criait : « J’ai faim ! j’ai faim !… — Tiens, lui ai-je dit, mange… » et en disant cela, je lui ai donné le morceau de pain que j’avais réservé de mon dîner ; cependant j’avais bien faim aussi.

le père. C’est bien, mon petit, c’est bien.

l’enfant. J’ai pensé que si le petit chevrier m’avait vu pleurer de faim, il en eût fait autant pour moi.

LE PÈRE. Tu savais pourtant qu’il n’y avait plus de pain dans la cabane.

l’enfant. Mais je savais aussi que le bon Dieu ne laisse jamais manquer celui qui fait du bien aux autres ; tu me l’as dit si souvent.

le père. Tu es un joli enfant ; embrasse-moi à ton tour… Les pauvres innocents ! Le ciel en aura pitié… Rentre dans la cabane ; va dire à ta mère ce que tu as fait, afin qu’elle t’embrasse aussi.

l’enfant. Mais tu pleures, papa. Pourquoi pleures-tu ? Est-ce qu’un papa ne doit pas être gai, quand ses enfants sont bien sages ?

LE PÈRE. Va.