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LE PLUS JEUNE.

Mon frère a fini son filet et moi ma corbeille. Vois ; tout ce que nous pouvons faire, nous le faisons. Nous allons couper des épines, chaumer, ramasser du bois et des feuilles, recueillir des fruits. Si nous n’avons rien apporté ce matin, ce n’est pas notre faute ; les voisins n’ont pas laissé une nèfle sur les arbres.

l’aîné.

Toi, tu n’as rien tué, et je suis sûr que tu as beaucoup couru. Eh bien, une autre fois tu feras bonne chasse.

LE PÈRE.

Où est Simon ?

l’aîné.

Il est allé à la ville.

LE PÈRE.

Petit, allez au-devant de lui, et vous, allez vers votre mère.

l’aîné.

Je lui dirai… (Le père lui fait signe de se taire, en posant son doigt sur ses lèvres. — Les enfants s’en vont. — Quand ils sont à quelque distance, ils se retournent et envoient chacun un baiser à leur père qui le leur rend.)

SCENE IV.

LE PERE, seul.

Ce sont ces enfants ! c’est la malheureuse qui est là, c’est leur mère qui me désole… Nous avons été dans la détresse, mais jamais comme depuis quelques jours ; point d’argent, plus de travail, plus de provisions… Je succombe de fatigue ; j’ai couru la montagne, j’ai battu la forêt inutilement, et pas un morceau de pain dans la cabane… Il est allé à la ville, le bon homme, mais la misère est si grande, et ces habitants de la ville sont si durs, que je doute qu’il en rapporte quelques secours… Malheureux que je suis, pourquoi l’ai-je connue ? Pourquoi l’ai-je entraînée dans ce désert, ai-je accru sa douleur et son infortune en accroissant le nombre de ses enfants ? N’était-ce pas assez de celui qui pendait à sa mamelle, lorsque la honte et le désespoir nous conduisirent ici ?… Elle a souffert, elle a