Page:Diderot - Œuvres complètes, éd. Assézat, VIII.djvu/29

Cette page n’a pas encore été corrigée

PROLOGUE

Salomon Gessner, si connu par son poëme d’Abel, et si justement célèbre par des idylles pleines de sensibilité et de délicatesse, a composé dans sa langue un petit drame en un acte et en prose, qu’il a intitulé Éraste. Il y a dans l’Éraste de Gessner un fils chassé par son père, une chaumière, une femme, deux enfants et un vieux serviteur, qui fait un vol pour tirer ses maîtres d’une misère urgente. C’est le père qui est volé. Le hasard conduit ce père dans la chaumière, où il reconnaît son voleur et retrouve son fils ; il pardonne à l’un et se réconcilie avec l’autre. Marmontel a pris de l’Éraste de Gessner ce qu’il a voulu, et il en a composé son Sylvain[1]. J’ai laissé le sujet tel que Gessner l’a conçu ; ce que j’ai changé à la conduite ne vaut pas la peine d’en parler, quoique le drame de Gessner n’ait que dix scènes et que le mien en ait vingt. Mais le ton de la poésie dramatique et celui de la poésie pastorale ou élégiaque étant fort différents, j’ai récrit et dialogué le tout à ma manière. C’est l’amusement de quelques matinées dont je ne prétends pas le moindre éloge. Si l’on jouait ce drame en famille, je ne doute point que l’intérêt des auditeurs pour les personnages qui seraient en scène ne fût très-vif. Peut-être n’en serait-il pas de même sur un théâtre public.

  1. Comédie mêlée d’ariettes, 1770. Nous sommes donc autorisés à placer la composition des Pères malheureux vers la même époque.