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Madame de Vertillac.

Bonne ! Pour mon malheur, je ne le suis que trop.

Monsieur de Surmont, à la veuve.

Eh ! vous voilà dans le costume que j’aurais désiré. Vous êtes, madame, une jeune et jolie veuve qui joue la douleur de la perte d’un mari bourru qu’elle n’aimait pas.

Madame Bertrand.

Et vous, monsieur, vous êtes… Laissez-moi en repos.

Monsieur de Surmont, à M. des Renardeaux.

Vous, monsieur, vous serez, s’il vous plaît, un vieil avocat.

Monsieur des Renardeaux.

Bas-normand, ridicule et dupé ?

Monsieur de Surmont.

Tout juste, tout juste. Je n’avais pas pensé à le faire bas-normand ; mais l’idée est heureuse et je m’en servirai.

Monsieur des Renardeaux.

Ne pourriez-vous pas, monsieur, me dispenser de faire en un jour deux fois le même personnage ? car je trouve que c’est trop d’une.

Monsieur de Surmont.

Rond, gros, replet, bien épais ; non, non, je ne pourrais vous remplacer. (À mademoiselle Beaulieu.) Ah ! mademoiselle, je compte que votre rôle vous aura plu, car je vous ai faite rusée, silencieuse, discrète surtout.

Mademoiselle Beaulieu.

Mais il ne fallait pas oublier que j’étais honnête et décente.

Monsieur de Surmont.

C’est une licence de théâtre. Mon ami, j’y suis, tu y es aussi, et voilà ton rôle ; il n’est pas court, je t’en préviens… Tu ne me réponds pas. Parle donc, est-ce que je me serais tué à faire une pièce qu’on ne jouera pas ?

Monsieur Hardouin.

J’en ai le soupçon.

Monsieur de Surmont.

Cela est horrible, abominable.

Monsieur Hardouin.

Elle est peut-être mauvaise ?