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Madame Bertrand.

Est-ce qu’il serait astrologue ?

Monsieur Hardouin.

Non, mais grand physionomiste.

Madame Bertrand.

Le bon, c’est qu’il me soutient que cet enfant ressemble, comme deux gouttes d’eau, à son père dont il n’a pas le moindre trait.

Monsieur Hardouin.

Pardonnez-moi, madame, c’est une chose qui m’a frappé comme lui. Jugez vous-même : les formes de mon visage et celles de M. votre fils sont tout à fait rapprochées.

Madame Bertrand.

Qu’est-ce que cela prouve ? Vous ne ressemblez point à M. Bertrand.

Monsieur Hardouin.

Quoi, vous ne devinez rien ?

Madame Bertrand.

Est-ce que M. Poultier aurait donné quelque interprétation bizarre au vif intérêt que vous avez daigné prendre à mon sort et à celui de mon enfant ? Soupçonnerait-il ?…

Monsieur Hardouin.

Il ne soupçonne pas, il est convaincu.

Madame Bertrand.

Tâchez, monsieur, de me débrouiller cette énigme.

Monsieur Hardouin.

Il n’y a point là d’énigme. Vous rappelleriez-vous ce qui s’est dit entre nous lorsque je me suis chargé de votre affaire ? Ne vous ai-je pas prévenue qu’un des moyens, le seul moyen de réussir, c’était de se rendre la chose personnelle ? N’en êtes-vous pas convenue ? Ne m’avez-vous pas permis expressément d’en user ? Et quel intérêt plus vif et plus personnel que celui d’un père pour son enfant ?

Madame Bertrand.

Qu’entends-je ? Ainsi votre ami me croit… vous croit…

Monsieur Hardouin.

J’avoue que cela me fait un peu trop d’honneur ; mais, madame, quel si grand inconvénient y a-t-il à cela ?