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Madame de Vertillac.

Hardouin, prenez-y garde, vous couvez une maladie, vous changez de caractère.

Monsieur Hardouin.

Quoi, si vous vous trouviez, à votre insu, dans une de ces circonstances critiques qui portent la désolation au fond du cœur d’une mère, vous me conseilleriez de n’envisager la chose que du côté plaisant, et de faire le rôle de Démocrite ?

Madame de Vertillac.

Non, mais je n’en suis pas là, et je ne vous permettrai jamais de prendre aux passants l’intérêt que vous me devez.

Monsieur Hardouin.

J’ai vu de Crancey.

Madame de Vertillac.

Vous a-t-il parlé de moi ?

Monsieur Hardouin.

C’est la plus belle âme, la plus ingénue. J’ai sa confiance au point que s’il avait commis un crime, je crois qu’il me l’avouerait.

Madame de Vertillac.

Et de ma fille que vous en a-t-il dit ? Tenez, mon cher Hardouin, j’aime de Crancey ; mais le reste de la famille, je l’ai en horreur, et je ne me résoudrai jamais à vivre avec ces gens-là.

Monsieur Hardouin.

Tant pis, tant pis.

Madame de Vertillac.

Ah ! ne voilà-t-il pas que votre héracliterie vous reprend ? Allons, éclaircissez ce front chargé d’ennui. Livrez-vous au plaisir de revoir votre première amie qui vous a toujours regretté. Vous étiez bien jeune ; il y a déjà des années… Vous vous taisez. Savez-vous que ce silence et ce maintien commencent à me soucier ? Ne craignez rien, Hardouin ; je ne suis pas venue pour vous rappeler les plus beaux jours de ma vie, et peut-être de la vôtre. Si vous avez un engagement, il faut y être fidèle. J’ai des principes.

Monsieur Hardouin.

De Crancey m’a écrit et je lui ai répondu.