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Monsieur Hardouin.

Non.

Monsieur Poultier.

Vous seriez-vous encore fait une affaire ?

Monsieur Hardouin.

Non.

Monsieur Poultier.

Parlez, demandez, et soyez sûr que si la chose n’est pas impossible, elle se fera.

Monsieur Hardouin.

Je ne sais par où commencer.

Monsieur Poultier.

Avec moi ! allez droit au fait.

Monsieur Hardouin.

Connaissez-vous madame Bertrand ?

Monsieur Poultier.

Cette diable de veuve qui depuis six mois tient la ville et la cour à nos trousses, et qui nous a fait plus d’ennemis en un jour que dix autres solliciteurs ne nous en auraient fait en dix ans ? Encore trois ou quatre clientes comme elle, et il faudrait déserter les bureaux. Que veut-elle ? Une pension ? on la lui offre. Que voulez-vous ? Qu’on l’augmente ? on l’augmentera.

Monsieur Hardouin.

Ce n’est pas cela ; elle consent à ce qu’on la diminue, pourvu qu’on la rende réversible sur la tête de son fils.

Monsieur Poultier.

Cela ne se peut, cela ne se peut. Cela ne s’est pas encore fait, cela ne doit pas se faire, cela ne se fera point. Voyez donc, mon ami, vous qui avez du sens, les conséquences de cette grâce. Voulez-vous nous attirer sur les bras cent autres veuves pour lesquelles votre madame Bertrand aura fait la planche ? Faut-il que les règnes continuent à s’endetter successivement ? Savez-vous qu’il en coûte presque autant pour les dépenses courantes ? Nous voulons nous liquider, et ce n’en est pas là le moyen. Mais quel intérêt pouvez-vous prendre à cette femme, assez puissant pour vous fermer les yeux sur la chose publique ?