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Monsieur Hardouin.

Vous êtes parti le premier et leur avez servi de postillon.

Monsieur de Crancey.

C’est cela.

Monsieur Hardouin.

Et sa fille vous a-t-elle reconnu ?

Monsieur de Crancey.

Sans doute, mais sa surprise a pensé tout gâter. Elle pousse un cri ; sa mère se retourne brusquement : « Qu’avez-vous, ma fille ? est-ce que vous vous êtes blessée ? — Non, maman, ce n’est rien… » Ah ! mon ami, avec quelle attention je leur évitais les mauvais pas ! Comme j’allongeais le chemin, en dépit des impatiences de la mère ! Combien de baisers nous nous sommes envoyés, renvoyés, elle du fond de la voiture, moi de dessus mon cheval, tandis que sa mère dormait ! Combien de fois nos yeux et nos bras se sont élevés vers le ciel ! C’était autant de serments ! Quel plaisir à lui donner la main en descendant de voiture, en y remontant ! Combien nous nous sommes affligés ! Que de larmes nous avons versées !

Monsieur Hardouin.

Et cet énorme chapeau rabattu vous dérobait aux regards de la mère ? Mais qu’avez-vous projeté ?

Monsieur de Crancey.

Tout ce qu’il est possible d’imaginer d’extravagant.



Scène VI.


MONSIEUR HARDOUIN, MONSIEUR DE CRANCEY, MADAME et MADEMOISELLE DE VERTILLAC.
Monsieur Hardouin.

Les voilà ! Sortez vite.

Monsieur de Crancey.

Non, je reste. Je veux que cette femme me voie, et connaisse par ce que j’ai fait, ce que je serais capable de faire.