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Scène XI.


MONSIEUR HARDOUIN, MADEMOISELLE BEAULIEU.
Monsieur Hardouin.

Elle n’en sera pas dédite ; je suis piqué de mon côté. Sans la dépriser, ces femmes qu’elle vient de déchirer la valent bien. Voulez-vous que la pièce se fasse ?

Mademoiselle Beaulieu.

J’aurais une étrange vanité, si j’osais me flatter d’obtenir ce que vous avez si durement refusé à madame.

Monsieur Hardouin.

Expliquez-vous nettement, cela vous fera-t-il plaisir ?

Mademoiselle Beaulieu.

On ne saurait davantage, mais madame n’en pourrait être que très-mortifiée. Qui sait si cela ne m’éloignerait pas de son service ? Ce ne serait pas demain, mais petit à petit ; la délicieuse mademoiselle Beaulieu deviendrait gauche, maladroite, maussade ; je ne me l’entendrais pas dire longtemps, je sortirais, et je ne sortirais pas sans chagrin ; car, malgré ses violences, madame est bonne, et je lui suis très-attachée ; sans compter que votre complaisance ne serait pas secrète et ne pourrait être que mal interprétée. Tenez, monsieur, le mieux est de persister dans votre refus, ou de céder au désir de madame.

Monsieur Hardouin.

De ces deux partis, le premier est le seul qui me convienne. Je suis obsédé d’embarras : j’en ai pour mon compte, j’en ai pour le compte d’autrui ; pas un instant de repos. Si l’on frappe à ma porte, je crains d’ouvrir ; si je sors, c’est le chapeau rabattu sur les yeux. Si l’on me relance en visite, la pâleur me vient. Ils sont une nuée qui attendent après le succès d’une comédie que je dois lire aux Français ; ne vaut-il pas mieux que je m’en occupe que de perdre mon temps à ces balivernes de société ? Ou ce que l’on fait est mauvais, et ce n’était pas la