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peine ai-je connu ma mère. Une jeune infortunée, trop tendre, trop sensible, me donna la vie et mourut peu de temps après. Ses parents , irrités et puissants, avoient forcé mon père de passer aux îles. Il y apprit la mort de ma mère, au moment où il pouvait se flatter de devenir son époux. Privé de cet espoir, il s'y fixa ; mais il n'oublia point l'enfant qu'il avait eu d'une femme chérie. Constance, je suis cet enfant. Mon père a fait plusieurs voyages en France. Je l'ai vu. J'espérais le revoir encore, mais je ne l'espère plus. Vous voyez; ma naissance est abjecte aux yeux des hommes et ma fortune a disparu.

Constance : La naissance nous est donnée; mais nos vertus sont à nous. Pour ces richesses toujours embarrassantes et souvent dangereuses, le Ciel, en les répandant indifféremment sur la surface de la terre et les faisant tomber sans distinction sur le bon et sur un ton méchant, dicte lui-même le jugement qu'on en doit porter. Naissance, dignités fortune, grandeurs , le méchant peut tout avoir, excepté la faveur du Ciel. Voilà ce qu'un peu de raison m'avait appris, longtemps, avant qu'on m'eût confié vos secrets; et il ne me restait à savoir que le jour de mon bonheur et de ma gloire.

Dorval : Rosalie est malheureuse. Clairville est au désespoir.

Constance : Je rougis du reproche. Dorval, voyez mon frère. Je reverrai Rosalie; sans doute, c'est à nous à rapprocher ces deux êtres, si dignes d'être unis. Si nous y réussissons, j'ose espérer qu'il ne manquera plus rien à nos vœux.



scène IV


Dorval Seul :

Voilà la femme par qui Rosalie a été élevée! Voilà les principes qu'elle a reçus !



==== Scène