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d'exemple qui captive plus fortement que celui de la vertu , pas même l'exemple du vice. Ah ! Dorval, combien de moyens de rendre les hommes bons!

Dorval : Oui, si nous savions en faire usage. Mais je veux qu'avec des soins assidus, secondés d'heureux naturels, vous puissiez les garantir du vice ; en seront-ils beaucoup moins à plaindre? Comment écarterez-vous d'eux la terreur et les préjugés qui les attendent à l'entrée dans ce monde, et qui les suivront jusqu'au tombeau? La folie et la misère de l'homme m'épouvantent. Combien d'opinions monstrueuses dont il est tour à tour, et l'auteur, et la victime! Ah ! Constance, qui ne tremblerait d'augmenter le nombre de ces malheureux, qu'on a comparés à des forçats qu'on voit dans un cachot funeste pouvant se secourir, l'un sur l'autre acharnés, combattre avec les fers dont ils sont enchaînés !

Constance : Je connais les maux que le fanatisme a causés, et ceux qu'il en faut craindre. Mais s'il paraissait aujourd'hui parmi nous un monstre, tel qu'il en a produit dans les temps de ténèbres, où sa fureur, ses illusions arrosaient de sang cette terre. Qu'on vît ce montre s'avancer au plus grand des crimes en invoquant le secours du Ciel. Tenant la loi de son Dieu d'une main, et de l'autre un poignard , préparer aux peuples de longs regrets croyez, Dorval qu'on en aurait autant d'étonnement que d'horreur. Il y a sans doute encore des barbares; et quand n'y en aura-t-il plus ? Mais les temps de barbarie sont passés. Le siècle s'est éclairé. La raison s'est épurée. Ses préceptes remplissent les ouvrages de la nation. Ceux où l'on inspire aux hommes la bienveillance générale, sont presque les seuls qui soient lus. Voilà les leçons dont nos théâtres retentissent, et dont ils ne peuvent retentir trop souvent. Et le Philosophe, dont vous m'avez rappelé les vers, doit principalement ses succès aux sentiments d'humanité répandus dans ses poèmes, et au pouvoir qu'ils ont sur nos âmes. Non, Dorval, un peuple qui vient