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III ====


Constance, Dorval.


Dorval : Madame, laissons-lui le triste plaisir de s'affliger sans témoins.

Constance : C'est à vous de changer son sort. Le jour de mon bonheur peut devenir le commencement de son repos.

Dorval : Madame, souffrez que je vous parle librement; qu'en vous confiant ses plus secrètes pensées, Dorval s'efforce d'être digne de ce que vous faisiez pour lui, et que du moins il fait plaint et regretté.

Constance : Quoi , Dorval! Mais parlez.

Dorval : Je vais parler. Je vous le dois. Je le dois à votre frère. Je me le dois à moi-même. Vous voulez le bonheur de Dorval ; mais connaissez-vous bien Dorval? De faibles services dont un jeune homme bien né exagéré le mérite; ses transports à l'apparence de quelques vertus ; sa sensibilité pour quelques-uns de mes malheurs ; tout a préparé et établi en vous des préjugés que la vérité m'ordonne de détruire. L'esprit de Clairville est jeune; Constance doit porter de moi d'autres jugements. ( Une pause.) J'ai reçu du Ciel un cœur droit; c'est le seul avantage qu'il ait voulu m'accorder. Mais ce cœur est flétri, et je suis comme vous voyez, sombre et mélancolique. J'ai de la vertu mais elle est austère , des mœurs mais sauvages, une âme mais aigrie par de longues disgrâces. Je peux encore verser des larmes , mais elles sont rares et cruelles. Non, un homme de ce caractère n'est point l'époux qui convient à Constance.

Constance : Dorval, rassurez-vous. Lorsque mon cœur céda aux impressions de vos vertus, je vous vis tel que vous vous peignez. Je