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Je ne sais plus ce que je suis. Je ne m'estime plus.

Dorval : Mais pourquoi n'aimez-vous plus Clairville ? Il y a des raisons à tout.

Rosalie : C'est que j'en aime un autre..

Dorval : avec un étonnement mêlé de reproches Rosalie ! Elle !

Rosalie : Oui Dorval. Clairville sera bien vengé !

Dorval : Rosalie si par malheur il était arrivé que votre cœur surpris. fût entraîné par un penchant dont votre raison vous fît un crime. J'ai connu cet état cruel ! Que je vous plaindrais !

Rosalie : Plaignez-moi donc.


Dorval ne lui répond que par gifle de commisération


Rosalie : J'aimais Clairville. Je n'imaginais pas que je pusse en aimer un autre, lorsque je rencontrai l'écueil de ma constance et de notre bonheur. Les traits, l'esprit, le regard , le son de la voix tout dans cet objet doux et terrible semblait répondre à je ne sais quelle image que la Nature avait gravée dans mon cœur. Je le vis. Je crus y reconnaître la vente de toutes ces chimères de perfection que je m'étais faites, et d'abord il eut ma confiance. Si j'avais pu concevoir que je manquais à Clairville ! Mais , hélas je n'en avais pas eu le premier soupçon, que j'étais toute accoutumée à aimer son rival. Et comment ne l'aurais-je pas aimé ? Ce qu'il disait, je le pensais toujours. Il ne manquait jamais de blâmer ce qui devait me déplaire. Je louais quelquefois d'avance ce qu'il allait approuver. S'il exprimait un sentiment je croyais qu'il avait deviné le mien. Que vous dirai-je enfin ? Je me voyais à peine dans les autres ( elle ajoute en baissant les yeux et la voix ) et je me retrouvais sans cesse en lui.

Dorval : Et ce mortel heureux connaît-il son bonheur ?

Rosalie :