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Non, Justine.

Justine reste un peu stupéfaite. Elle dit ensuite

La voilà donc la cause de ces soupirs, de ce silence et de ces larmes ? Oh ! pour le coup , les hommes n'ont qu'à dire que nous sommes folles ; que la tête nous tourne aujourd'hui pour un objet que demain nous voudrions savoir à mille lieues : qu'ils disent de nous tout ce qu'ils voudront, je veux mourir si je les en dédis Vous ne vous êtes pas attendue, Mademoiselle que j'approuverais ce caprice ? Clairville vous aime éperdument. Vous n'avez aucun sujet de vous plaindre de lui. Si jamais femme a pu se flatter d'avoir un amant tendre, honnête; de s'être attaché un homme qui eût de l'esprit , de la figure, des mœurs, c'est vous. Des mœurs ! Mademoiselle, des mœurs ! Je n'ai jamais pu concevoir, moi, qu'on cessât d'aimer à plus forte raison qu'on cessât sans sujet. Il y a là quelque chose où je n'entends rien. (Justine s'arrête un moment. Rosalie continue de travailler et de pleurer. Justine reprend d'un ton hypocrite et radouci , et dit tout en travaillant) Après tout , si vous n'aimez plus Clairville, cela est fâcheux mais il ne faut pas s'en désespérer comme vous faites Quoi donc ! après lui, n'y aurait-il plus personne au monde que vous puissiez aimer ?

Rosalie : Non, Justine.

Justine :

Oh ! pour celui-là, on ne s'y attend pas. 


Dorval entre, Justine se retire ; Rosalie quitte son métier se hâte de s'essuyer les yeux et de se composer un visage tranquille. Elle dit auparavant


Rosalie : O Ciel ! c'est Dorval.



==== scène