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sieur, me dit-il, que vous avez envoyé à Pondichéry. J’y ai été, j’ai amassé là une centaine de mille francs. Je suis revenu ; je me suis remis à faire des vers, et en voilà que je vous apporte… Ils sont toujours mauvais ? — Toujours ; mais votre sort est arrangé, et je consens que vous continuiez à faire de mauvais vers. — C’est bien mon projet…


Et le chirurgien s’étant approché du lit de Jacques, celui-ci ne lui laissa pas le temps de parler. J’ai tout entendu, lui dit-il… Puis, s’adressant à son maître, il ajouta… Il allait ajouter, lorsque son maître l’arrêta. Il était las de marcher ; il s’assit sur le bord du chemin, la tête tournée vers un voyageur qui s’avançait de leur côté, à pied, la bride de son cheval, qui le suivait, passée dans son bras.

Vous allez croire, lecteur, que ce cheval est celui qu’on a volé au maître de Jacques : et vous vous tromperez. C’est ainsi que cela arriverait dans un roman, un peu plus tôt ou un peu plus tard, de cette manière ou autrement ; mais ceci n’est point un roman, je vous l’ai déjà dit, je crois, et je vous le répète encore. Le maître dit à Jacques :

Vois-tu cet homme qui vient à nous ?

Jacques.

Je le vois.

Le maître.

Son cheval me paraît bon.

Jacques.

J’ai servi dans l’infanterie, et je ne m’y connais pas.

Le maître.

Moi, j’ai commandé dans la cavalerie, et je m’y connais.

Jacques.

Après ?

Le maître.

Après ? Je voudrais que tu allasses proposer à cet homme de nous le céder, en payant s’entend.

Jacques.

Cela est bien fou, mais j’y vais. Combien y voulez-vous mettre ?

Le maître.

Jusqu’à cent écus…